Les Gardiens de la Galaxie

Marvel fait mouche une fois de plus avec un excellent film boosté par le chiffre record de 2200 effets visuels. Surprise, c’est un Français qui a supervisé le projet.

Ils sont rares les Français à avoir atteint le sommet de leur profession à Hollywood. On peut donc se réjouir de la réussite de Stéphane Ceretti qui vient de mener à bien un projet aussi monumental que Les Gardiens de la Galaxie. Issu de la pépinière de talents Buf, il a supervisé ou cosupervisé des films comme X-Men : Le Commencement et Cloud Atlas. Sa relation prolifique avec Marvel a débuté par la supervision de la deuxième équipe de Captain America, puis de Thor.

Une prestation jugée suffisamment convaincante par le studio pour lui confier les rênes du plus grand film à effets spéciaux de l’histoire de Marvel : 2200 plans ! “En fait, si l'on prend en considération les données brutes,” précise Ceretti, “nous avons traité en tout 2700 plans pour Les Gardiens de la Galaxie, car de nombreux plans étaient partagés, c'est-à-dire qu’un studio réalisait une partie des effets visuels, puis le plan était repris par un autre studio pour une autre catégorie d'effets. Sur le plan de l'organisation, ça comptait pour deux plans ou plus… Les délais étaient incroyablement courts : à peine huit mois entre la fin du tournage et la livraison des derniers plans !”

Rocket et Groot, personnages animés par Framestore et MPC

Parmi ces effets visuels figurent quelque 900 plans faisant intervenir des personnages 3D, comme Rocket (le raton-laveur) et Groot (l’être végétal). Ce sont des Gardiens de la Galaxie que le public devait donc considérer comme de « vrais » personnages, ce qui impliquait un travail d’animation beaucoup plus poussé que pour une simple créature. De fait, compte tenu des délais, il s’est avéré impossible de confier tous les plans d’un même personnage à un seul studio, comme le veut la tradition (pour des raisons évidentes de continuité). “Les plans de Rocket et de Groot ont été partagés entre Framestore et MPC,” confirme Ceretti. “Les premiers ont créé le modèle de Rocket, les seconds celui de Groot, puis ils se sont échangés les données afin que chaque studio puisse animer les deux personnages à l’identique. C'était un vrai casse-tête, car il ne devait y avoir aucune différence entre les plans qui sortaient de l'un ou l'autre studio.”

Pour Rocket et Groot, l’équipe a choisi de réaliser l’animation de manière traditionnelle, en key frame. La morphologie des personnages, et le style de tournage très rapide du réalisateur, interdisaient le recours à la Performance Capture. Sur le plateau, les deux personnages étaient représentés par un acteur. Pour Rocket, c’était Sean Gunn, le propre frère du réalisateur, et pour Groot, c’était un mime. Sean Gunn se tenait accroupi pour être à la bonne hauteur, tandis que le mime portait un casque sur lequel était fixée la tête du personnage, ce qui permettait aux autres acteurs de regarder au bon endroit. Chaque plan était tourné en trois passes : une avec tous les interprètes, une avec les acteurs mais sans Rocket et Groot, et une avec le décor vide. Lorsqu'une interaction physique était nécessaire, l’équipe utilisait différents artifices. “Par exemple, il y a une scène dans laquelle Drax s'acharne à frapper Groot. Pour obtenir une action réaliste, nous avons placé un sac de sable à l'emplacement supposé de Groot dans le décor, et Dave Bautista (qui interprète Drax) a pu frapper dedans sans retenir ses coups. Nous avions plusieurs astuces de ce type.”
En postproduction, Vin Diesel (voix de Groot) et Bradley Cooper (voix de Rocket) ont été filmés en vidéo pendant l’enregistrement de leurs dialogues. Leurs attitudes et leurs mimiques ont ensuite servi aux animateurs pour « trouver » les personnages.

Thanos, le super-méchant Titan de Les Gardiens de la Galaxie, a été réalisé de manière différente. Comme pour Rocket, les scènes ont été tournées avec Sean Gunn qui représentait le personnage sur le plateau. Mais ensuite, l’équipe a fait une séance de Performance Capture avec l’acteur Josh Brolin dans les locaux de Mova, un studio spécialisé dans la capture faciale. Le visage de Brolin a été scanné en haute résolution, puis Luma Pictures a modélisé Thanos en essayant de conserver les caractéristiques faciales de l’interprète. Ensuite, le studio a animé le personnage à partir des expressions du comédien.

Un espace plein de couleurs
Parallèlement à l’animation de personnages, une grande partie des effets visuels impliquait des vaisseaux spatiaux en tout genre. Dès le départ, le réalisateur James Gunn a voulu se démarquer des sempiternelles images de vaisseaux blancs sur fond noir étoilé, façon Star Trek ou Star Wars. " La grande idée de Les Gardiens de la Galaxie,” explique Ceretti, est de mettre de la couleur partout ! James ne voulait pas avoir un simple fond étoilé à chaque plan dans l’espace. Nous avons beaucoup travaillé là-dessus. Ainsi, j'ai fait des recherches sur les photos prises par le télescope Hubble, et chaque fois que nous avons créé un environnement, ce type d’imagerie a été pris en compte.

L’autre grande idée de James a été de situer la bataille spatiale dans l'atmosphère d'une planète, et non pas dans l'espace. Il trouvait que cela avait été très rarement fait, et que ça donnerait un look unique à la séquence. Avec la bataille dans le ciel d’une planète, on a le sol en point de vue, des nuages qui structurent l'espace, les traînées aérodynamiques des vaisseaux, etc., sans compter que la lumière est très différente de celle qu'on trouve dans l'espace. Sur le plan visuel, c'était beaucoup plus dynamique.”

Pour cette raison, les références de l’équipe n'ont pas vraiment été les grands classiques de la science-fiction, mais plutôt des images de combat aérien moderne, avec des chasseurs à réaction de type F-16. “Nous avons aussi visionné des films comme Top Gun ou L’Etoffe des Héros afin d’étudier le comportement des jets, le mouvement des volets, etc. Nos références étaient donc très contemporaines. Le vaisseau de Star-Lord, le Milano, était conçu pour se comporter comme un avion de chasse, un engin très agile, mais capable de mouvements brusques. À l'inverse, les vaisseaux ennemis, les Nécrocrafts, se déplaçaient de manière beaucoup plus erratique, avec des mouvements saccadés d’influence organique, un peu à la manière des mouches. Ça donnait un contraste très intéressant entre les deux.”

Des mondes spectaculaires créés en 3D
La troisième grande catégorie d'effets visuels de Les Gardiens de la Galaxie, ce sont les environnements. MPC s’est occupé de la désertique planète Morag, de l’action sur la luxuriante planète Xandar, et du vaisseau Dark Aster, y compris la bataille finale. De son côté, Framestore a travaillé sur les environnements de Knowhere, la station spatiale en forme de tête de mort, et de la prison The Kyln. Le reste des effets a été confié à d’autres prestataires comme Luma, Method et Sony Imageworks. “Lorsque des plans additionnels sont arrivés pendant la postproduction, chacun d’eux a été traité par plusieurs sociétés afin de pouvoir finir dans les temps. Il y avait un studio qui s'occupait, par exemple, de l'environnement, puis Framestore ou MPC prenait la suite pour l'animation 3D proprement dite. Nous sommes montés jusqu'à quatre prestataires en simultané parfois !”

La spectaculaire Xandar a été réalisée en full 3D par MPC. La ville fait penser à Dubaï ou Singapour par certains aspects. De son côté, Framestore a créé la prison spatiale Kyln à partir d’un décor de studio qui comprenait trois étages. Celui-ci a été prolongé par ordinateur, et les différents étages peuplés de figurants 3D. Il y avait aussi Knowhere, la station spatiale dont la forme rappelle une tête de mort. Sa structure, incroyablement complexe, a demandé des mois de développement et de modélisation. Pour la planète Morag, l’équipe a pris des photos et des références de l’environnement en Egypte, dans le parc national de White Desert. Une partie du site a été reconstituée aux studios de Longcross, à Londres. Pour donner un cachet extraterrestre, l'équipe des effets spéciaux a installé un dispositif qui simulait des geysers pendant les prises de vue. Ces derniers ont été multipliés par ordinateur, et le décor réel prolongé en 3D.

Malgré les délais intenables et les longues heures de travail, aucun membre de l’équipe ne regrette avoir participé au film. À commencer par Stéphane Ceretti : “Franchement, lorsque nous avons commencé à lire le scénario, nous étions tous morts de rire. C'était tellement différent de tout ce qu'on avait pu voir dans le genre. Travailler sur un film comme ça, c’était une vraie chance.” Au vu du succès remporté au box-office mondial, Stéphane va probablement doubler sa chance : la suite de Les Gardiens de la Galaxie a d’ores et déjà été annoncée par Marvel pour juillet 2017 !

Alain BIELIK, Août 2014
(Commentaires visuels : Paul Schmitt)
Spécialiste des effets spéciaux, Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 23 ans. Il collabore également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.


Galeries à voir sur les mêmes sujets:

Films Marvel:

> Iron Man 3

> Avengers

> Iron Man 2

> L'Incroyable Hulk

> Iron Man