Star Wars Rogue One 2/2

Notre article sur Star Wars Rogue One est en deux parties:

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Des nouveaux mondes, de nouvelles technologies, et surtout, un effet visuel inédit qui révolutionne le cinéma et rend possible ce qui était jusqu’alors impossible.

L’une des caractéristiques de la saga Star Wars, c’est de présenter de nouvelles planètes à chaque film. Rogue One ne faillit pas à la tradition avec pas moins de six mondes différents qui apparaissent au fil de l’histoire. Les deux principaux sont Scarif, la planète tropicale, et Jedha, le monde désertique. Pour le premier, les plans d’exposition ont été tournés aux Îles Maldives, mais la bataille elle-même a été filmée en Angleterre, sur un aérodrome désaffecté. Le département décoration a reconstitué une plage tropicale avec 2000 tonnes de sable, des palmiers, un immense bassin, etc. En postproduction, ILM a remplacé le panorama anglais par l’environnement de Scarif. Celui-ci a été réalisé à partir de prises de vues et de photographies des vraies Maldives.

Pour Jedha, les plans ont été obtenus de la même manière : un tournage en Jordanie pour les plans larges et des prises de vues en studio dans un décor à ciel ouvert pour les plans en ville. ILM s’est ensuite chargé d’augmenter ces paysages et décors par ordinateur. “La construction de la ville de Jedha en 3D a représenté un travail énorme, sans aucun doute le plus gros projet de modélisation de tout le film,” précise Leo. “Notre inspiration était la citadelle de Massada en Israël. Pour construire Jedha, nous avons modélisé des dizaines de composants architecturaux : toits, murs, façades, etc., puis assemblé les bâtiments à partir de cette banque de données. En combinant ces différents éléments, nous étions en mesure de créer une infinité de structures différentes, mais toutes dans le même style. Ensuite, nous avons « habillé » ces structures par des éléments décoratifs (stuc en façade…) ou bien utilitaires (antennes…). Enfin, nous avons peuplé les rues de centaines de magasins, de boutiques ambulantes, de véhicules, d’animaux, de personnages, etc. Un projet à l’ampleur considérable ! Une fois Jedha terminée, le réalisateur Gareth Edwards nous a demandé d’appliquer une technique très originale. Il voulait éviter cet aspect artificiel qu’on trouve parfois dans les villes créées par ordinateur. Il nous a demandé de laisser « tomber » la caméra virtuelle au hasard dans la ville 3D, et de faire un rendu de ce que la caméra voyait. Nous avons ainsi réalisé environ 500 « largages de caméra » sur la Jedha ! 95% étaient inutilisables, mais les 5% restants ont révélé de véritables pépites… Nous avons découvert des endroits dans lesquels jamais nous n’aurions placé la caméra, ou bien des cadrages très originaux. Du coup, l’image avait l’air nettement plus naturelle.”

La lumière se fait interactive
L’un des aspects les plus importants des effets visuels pour Gareth Edwards est l’authenticité de la lumière. Selon lui, rien ne trahit plus un plan VFX qu’une lumière qui n’est pas raccord entre l’avant-plan et l’arrière-plan. Du coup, ILM a employé la technique du « mur de LED » qui semble devenir la norme à Hollywood. Inaugurée sur Gravity, elle a ensuite été utilisée sur Interstellar, Deepwater et Passengers. “Tous les plans de cockpit ont été filmés dans un énorme dôme de LED qui diffusait la prévisualisation de la scène en question : arrivée en orbite, combat aérien, saut dans l’hyperespace, etc.” raconte Leo.  “Autrement dit, l’acteur était entouré par la lumière « réelle » de la scène à 360°. Par exemple, dans la bataille spatiale, quand le vaisseau était frôlé par un tir au laser, la lueur du tir éclairait le personnage, ce qu’on n’avait jamais vu auparavant ! Ça facilitait énormément le travail du chef opérateur, ça donnait aussi une lumière beaucoup plus naturelle sur le cockpit, et enfin, ça permettait à l’acteur de voir ce que son personnage était supposé voir ! Nous avons procédé de la même manière pour la salle de contrôle de l’Etoile de la Mort. À l’emplacement de la baie vitrée géante se trouvait un immense mur de LED. Il nous permettait de diffuser en direct pendant les prises de vues des images de la planète autour de laquelle le vaisseau était en orbite. Dans certains plans, l’illusion était si convaincante que nous avons gardé cette image, il n’a même pas été nécessaire de la remplacer en postproduction.”

K-2SO, un nouveau droïde

Avec les engins et les environnements, la création des personnages et créatures a été la troisième grande catégorie d’effets visuels pour ILM. À commencer par celle du droïde K-2SO qui tient un rôle central dans l’histoire. Le robot était interprété sur le plateau par l’acteur Alan Tudyk (qui lui prête aussi sa voix). “Alan portait des échasses qui plaçaient sa tête à la bonne hauteur, de même que des extensions de bras,” explique Leo. “Chaque plan a été filmé en trois passes : la première était celle avec Alan et les acteurs, la seconde montrait le décor vide et nous servait à effacer le corps d’Alan, la troisième présentait un buste réel de K-2SO – il nous permettait de voir comment le robot prenait la lumière dans la scène. L’animation a été un vrai défi, car le visage de K-2SO est fixe, il n’y a pas d’expression faciale. Du coup, nous ne pouvions pas transposer les mimiques d’Alan qui apportaient tellement au personnage. Il a fallu trouver des moyens de les intégrer dans les attitudes et les gestes. Un exercice d’animation très intéressant !”

Une date dans l’histoire des effets spéciaux : le retour du gouverneur Tarkin
Si K-2SO a été un défi, que dire du personnage dont tout le monde parle désormais ? Tenue secrète jusqu’à la sortie du film, la présence du gouverneur Tarkin dans Rogue One constitue un authentique événement, une date charnière dans l’histoire de l’animation 3D. Le film fait en effet revenir un des personnages principaux du tout premier Star Wars, Un Nouvel Espoir, sorti en 1977. Or, son interprète Peter Cushing est mort depuis 22 ans ! Ce qu’on voit dans le film, c’est un clone numérique du comédien…

 Pour la première fois dans l’histoire du cinéma, un acteur disparu recréé par ordinateur tient un rôle de premier plan. Et dans une large majorité, le grand public n’y voit que du feu. Weta Digital avait ouvert la voie avec Paul Walker pour Fast & Furious 7, mais il ne s’agissait que d’une poignée de plans sans importance pour l’histoire. Dans Rogue One, le clone de Cushing fait partie intégrante du récit, avec de nombreux dialogues filmés plein écran. ILM signe-là un authentique exploit technologique et artistique. C’est tout simplement l’avancée la plus importante depuis Gollum, premier personnage humanoïde parfaitement réaliste. L’idée est de John Knoll, cosuperviseur des effets visuels et auteur du sujet original. Le réalisateur pensait au départ montrer le personnage sous forme d’hologramme, ou dans l’ombre, ou encore juste pour une poignée de plans. Knoll, lui, a fait le pari d’aller au bout du concept. Tant qu’à recréer Peter Cushing, autant le montrer en pleine lumière – et faire accomplir aux effets visuels un bond de géant. Comme celui qui avait prévalu à la création des dinosaures de Jurassic Park alors même que personne ne croyait que l’infographie en était capable. Le genre de pari fou qui peut saborder un film entier, car Tarkin est présent dans de nombreuses scènes au milieu des autres acteurs. Impossible de le couper au montage si l’effet ne fonctionnait pas…

Avec l’accord des ayants droit, ILM a donc entrepris de modéliser une réplique exacte du visage de Peter Cushing. À partir de photographies, de captures d’écran, d’images vidéo, l’équipe a pu reconstituer les traits de l’acteur. Sur le plateau, le personnage était interprété par Guy Henry dont la stature longiligne est très proche de celle du défunt comédien. Henry assure aussi une imitation de la voix de Cushing. Ensuite, ILM a remplacé son visage par la recréation numérique de celui de son prédécesseur. Pour l’instant, les détails du processus restent secrets, Lucasfilm refusant de communiquer sur le sujet. Ce qui est certain, c’est qu’après Star Wars Rogue One, le cinéma ne sera plus jamais le même. La technologie permet désormais de ressusciter n’importe quel artiste, mais d’aucuns se demandent déjà : et l’éthique dans tout ça ?

Alain BIELIK, décembre 2016
(Commentaires visuels : Paul Schmitt)
Spécialiste des effets spéciaux, Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 25 ans. Il collabore également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.


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