Legend of Tarzan

Une nouvelle superproduction portée par un bestiaire 100% numérique. Avec des CG progressions de MPC sur leur travail sur le troupeau de gnous.

Il est fini le temps où l’on dressait des animaux sauvages pour leur faire jouer un rôle dans un film. Désormais, Hollywood se passe de ces pratiques d’une autre époque. L’avènement des images de synthèse a permis aux réalisateurs d’obtenir un résultat bien plus précis sans porter atteinte au bien-être d’animaux. Dans le récent Livre de la jungle, le bestiaire a été réalisé en animation 3D par MPC et Weta Digital.

Pour le retour de Tarzan sur grand écran, ce sontFramestore et MPC (une fois encore) qui ont été mobilisés, ainsi que Rodeo FX pour quelques scènes. Framestore s’est chargé de tous les singes, des éléphants, d’une grande partie des environnements de jungle, et de la doublure numérique de Tarzan. De son côté, MPC s’est occupé de la cavalcade des gnous qui déferlent sur la ville, puis de la rencontre avec les lions, des scènes du naufrage du bateau, et enfin celles avec les tribus. Parmi les autres prestataires figure Lola VFX, spécialiste du rajeunissement (Hugo Cabret, Benjamin Button) qui a réalisé pour le film un subtil rajeunissement numérique sur Alexander Skarsgard, qui incarne Tarzan, pour une scène de flashback.

Le projet était placé sous la supervision de Tim Burke, lequel signait là son premier film après dix ans passés sur la saga Harry Potter. “Sur Tarzan, j’ai retrouvé une grande partie de l’équipe des Harry Potter, à commencer par le réalisateur David Yates,” raconte-t-il. “C’était comme se retrouver en famille ! D’ailleurs, nous avons repris la même méthodologie que sur les Harry Potter. Je m’explique : dans la saga de l’apprenti-sorcier, les décors extérieurs ont été construits en studio, puis nous avons ajouté des extensions numériques pour les placer en Écosse ou ailleurs. Dans Tarzan, cela a été la même chose, excepté que nous avons transposé les décors en Afrique. Les décors de jungle étaient entourés de fonds bleus afin de pouvoir être prolongés en postproduction.”

Si les plans dans la jungle reposent sur des décors de studio, les plans d’ensemble sur les paysages ont, de leur côté, exigé une approche différente. Ces panoramas grandioses ont été filmés au Gabon pendant six semaines avec une équipe réduite. Pour les plans aériens, Burke a fait construire un support caméra télécommandé pour six caméras Red Dragon 6K filmant à 180°. En postproduction, ces images ont été accolées pour former des cycloramas à très haute résolution. Ces derniers ont été intégrés, par exemple, dans les plans du bateau sur la rivière (en fait, un bassin en studio) ou bien derrière les fenêtres du train qui ramène Tarzan vers sa chère jungle (un décor de wagon filmé sur fond vert).

Seigneurs des singes

Une fois réglée la question des environnements africains, restait à aborder le plus grand défi du film, à savoir la création des animaux sauvages, et surtout celle des grands singes, les « frères » de Tarzan. Dans l’histoire, il s’agit de Manganis, une espèce fictive que l’auteur Edgar Rice Burroughs avait présentée comme des hybrides de chimpanzés et de gorilles. “J’ai opté pour une animation entièrement réalisée en key frame, c’est-à-dire à la main,” précise Burke. “Je me suis dit qu’il valait mieux partir directement sur un comportement 100% animalier plutôt que d’essayer de corriger une performance capture un peu trop « humaine ». Nous avons donc rassemblé toute la documentation vidéo que nous avons pu trouver sur les gorilles et les singes. Les premiers nous servaient de modèles pour la manière de bouger, et les seconds pour le comportement plus agressif. Lorsque les animateurs commençaient une scène, ils cherchaient dans cette banque de données des saynètes correspondant au comportement ou au mouvement requis.”

Sur le tournage, des cascadeurs tenaient le rôle des singes, non pas pour servir à l’animation, mais pour donner une présence physique à ces animaux. Ils portaient une tenue qui leur donnait le volume corporel de vrais singes, de façon à ce qu’Alexander Skarsgard (Tarzan) puisse correctement interagir avec eux. Chaque plan a été filmé en double : une fois avec les interprètes et Skarsgard, et une fois avec Skarsgard dans le décor vide. Le plus souvent, c’est la seconde prise qui était utilisée pour l’intégration des singes 3D. “Les interprètes ont été très utiles pour la scène où les Manganis évoluent dans des flaques d’eau. Nous avons pu extraire les éclaboussures pour les intégrer autour des pattes des singes. Ça a permis d’ancrer l’action dans le décor réel.”

Comme toujours avec les singes, une grande partie de la réussite des plans dépendait du réalisme de la fourrure. Les simulations de poils réalisées avec des outils maison ont donc été au cœur du projet, remarquablement secondées par le moteur de rendu Arnold de dernière génération. La scène la plus difficile était celle où les Manganis apparaissent sous une pluie battante. Framestore a développé pour l’occasion un look spécifique de poils mouillés.

La charge furieuse des gnous
Parallèlement, MPC a été confronté à la scène sans doute la plus spectaculaire du film : la charge d’un troupeau de gnous au travers de la ville… “J’ai confié cette scène à MPC car ils disposent d’un formidable logiciel maison de simulation de foules dénommé Alice (ndlr – déjà utilisé pour une scène similaire du Livre de la Jungle),” explique Burke. “Pour commencer, nous avons filmé les plans avec des effets physiques montrant le passage des animaux : tentes arrachées, portes défoncées, clôtures qui s’effondrent, cascadeurs tirés en arrière par des câbles, etc. Puis, MPC a calé l’animation là-dessus d’après une prévisualisation très précise. Pour les scènes de masse, l’équipe s’est inspirée de vidéos de migration des gnous. Ça leur a donné la distance entre chaque individu, la vitesse de progression, la manière dont ils franchissent les obstacles, l’importance du nuage de poussière, etc.” Pour les plans de Tarzan à califourchon sur un gnou, l’action a été filmée en studio avec un cascadeur installé sur un support mobile – son visage a ensuite été remplacé par celui d’Alexander Skarsgard.

Les exploits d’un surhomme
L’autre grand défi de l’animation a été les acrobaties aériennes de Tarzan. “Pendant la préparation, nous avons filmé un acrobate du Cirque du Soleil pour voir ce qu’il était possible de faire en vrai,” précise Burke, “mais il est vite apparu que seule l’animation 3D pouvait rendre justice au personnage tel qu’il figure dans notre imaginaire. De fait, toutes les acrobaties ont été réalisées en images de synthèse.”

Même si le corps est animé par ordinateur, le visage – lui – est toujours réel. “Je voulais que le visage reste celui du vrai Alexander. Nous avons commencé par animer le personnage dans tous les plans de voltige. Puis, Alexander a été filmé sous lumière « plate » par 16 caméras Red Dragon synchronisées. Avant chaque prise, Alexander visionnait l’animation du plan en cours et mémorisait les gestes du Tarzan 3D. Puis, il livrait une interprétation faciale de la même scène. Autrement dit, nous avons d’un côté le corps animé à la main, et de l’autre, le visage réel, les deux étant synchrones sur la même action. Grâce à la résolution et aux différents angles de prises de vues, nous avons pu calculer la géométrie de son visage pour un rendu en 3D et en même temps, enregistrer les textures de peau. De fait, c’est de la capture de géométrie et de texture en temps réel. Ces images tridimensionnelles et texturées ont ensuite été projetées sur la tête 3D du Tarzan animé.” La dernière étape a consisté à ré-éclairer la peau avec la lumière du plan de sorte que le personnage soit parfaitement intégré dans l’ambiance de la scène.

Comme l’animation 3D rend tout possible, l’équipe a dû prendre garde à ne pas aller trop loin avec le personnage. “Pendant la préparation, David Yates a eu cette formule : ‘Nous allons partir de ce que les meilleurs athlètes et acrobates au monde peuvent faire, et nous allons y ajouter 15% pour avoir notre Tarzan,” conclut Burke. “Le but est d’en faire un homme exceptionnel, mais pas un Spider-Man. Et de temps en temps, nous avons été un peu plus loin pour avoir un Tarzan vraiment héroïque et plus grand que nature !”

Alain BIELIK, Juillet 2016
(Commentaires visuels : Paul Schmitt)
Spécialiste des effets spéciaux, Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 25 ans. Il collabore également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.