de Toulouse à Paris

Jean-Max Bernard raconte : « Je suis dans ce métier de façon totalement autodidacte. A 18 ans, j’étais boucher-charcutier, j’ai un CAP, à 23 ans j’étais plombier, j’ai un CAP : voilà pour mes diplômes. En fait, je suis venu au cinéma par la photographie. Cela se passait à Toulouse et c’était dans un moment de ma vie un peu turbulent où je ne savais pas très bien ce que j’allais faire. J’ai rencontré un graphiste qui travaillait chez Airbus et qui réalisait des photos de calendrier et je me suis dit que, par rapport à la boucherie, c’était plutôt sympa comme boulot. J’ai pu monter un labo photo noir et blanc chez lui et j’ai passé des nuits entières à faire des tirages. La photo apprend le sens du cadre et te permet de comprendre que la lumière n’est pas la même que celle que tu vois avec les yeux et ce que la pellicule veut bien enregistrer. »

Formation audiovisuelle à Toulouse
« A Toulouse, Guy Chapouillet un professeur de la Faculté du Mirail avait monté une formation audio-visuelle, le DIESAV, en trois ans, pour laquelle le Bac n’était pas obligatoire pour s’inscrire. Cela tombait bien parce que je ne l’avais pas passé. Il y avait 20 places pour 400 candidats, et j’ai été pris miraculeusement, non pas parce que j’avais un dossier extraordinaire, d’autant plus que le thème était le son et que moi j’étais plus motivé par l’image, mais ce qui l’avait intéressé ce que j’avais un CAP de boucher et il s’est dit que je devais avoir une envie réelle. J’ai donc suivi cette formation, mais à l’époque j’étais un vieil étudiant puisque j’avais 28 ans et j’étais dans une espèce d’urgence de gagner ma vie. J’ai eu l’opportunité de décrocher, par l’intermédiaire d’un copain, la commande d’un film industriel que j’ai pu réaliser avec d’autres étudiants qui avaient monté une boite d’audio-visuelle. C’est d’ailleurs à peu près le seul intérêt des écoles que de permettre d’être en contact avec d’autres, ce qui est très important dans ce métier. »

Le théatre de rue avec Royal de Luxe
« Comme je suis un garçon un peu têtu et que j’essaye de ne pas perdre mes envies, j’ai continué en faisant des documentaires pour France 3. Puis, en 90, j’ai suivi la tournée de la compagnie de théâtre de rue Royal de Luxe pendant une année, en Russie, en Estonie, dans le désert au Maroc en filmant avec une Betacam qui venait de sortir et qui paraissait le grand luxe à l’époque. J’ai donc bossé comme ça quelques années sur Toulouse mais avec toujours l’idée de travailler sur des films avec de la pellicule. Un jour, par l’intermédiaire d’une copine, je me retrouve comme régisseur sur un documentaire sur la ville de Toulouse réalisé par un ancien opérateur de François Reichenbach qui avait un parcours totalement autodidacte, et avec qui le tournage s’était bien passé… »

La montée à Paris
« L’idée de bosser dans le cinéma était toujours là et trois mois plus tard, je suis monté à Paris et je l’ai appelé. Il m’a dit de venir sur le plateau du film qu’il était en train de tourner : un film érotique pour M6 tourné en 35mm. Je me retrouve donc, débarquant de Toulouse, ne connaissant personne sur ce plateau à part ce chef-opérateur et je regarde comment il travaille. Je prenais des croquis, et je me promenais avec une cellule pour mesurer les lumières ce qui normalement ne se fait pas du tout sur un plateau. Par son intermédiaire, je rencontre un directeur de la société de production Téléma qui m’a rappelé un mois plus tard pour travailler sur un magazine culturel européen « Dynamo » pour la 7 (NDLR : l’ancêtre d’Arte), dans lequel on faisait des portraits d’artistes européens. C’était plutôt intéressant et je sympathise avec l’un des réalisateurs de ce magazine, Nicolas Boukhrief qui était l’ancien rédacteur en chef du magazine Starfix. Suite à une discussion, il me dit : « si un jour je réalise un long-métrage, je t’appelle pour faire la lumière ».

Premier long-métrage
« Trois ans plus tard, Nicolas Boukhrief m’a effectivement contacté et je me suis retrouvé du jour au lendemain directeur photo du film Va mourir sans avoir touché une caméra 35. J’ai pris de la pellicule, j’ai fait des essais, j’ai testé les valeurs de diaph et j’ai choisi la bonne ouverture pour obtenir une image contrastée. Depuis je travaille toujours de cette manière. Je suis toujours nul en sensitométrie et en optique, mais ce que je sais, c’est qu’à partir des essais des objectifs et avec la connaissance des pellicules que j’ai acquise je peux obtenir l’image dont j’ai envie.
Ensuite, petit à petit, j’ai fait d’autres longs-métrages et des téléfilms et quoi que je fasse j’essaye de trouver un aspect intéressant et de le défendre avec les moyens disponibles. »