Institut d'études supérieures des arts

Christophe Andrusin - Intervenant à l'IESA et directeur artistique

Diplômé des Beaux Arts (DNSEP) en 1997, Christophe Andrusin intègre l'agence parisienne de marketing opérationnel L,M,M. En 1998, il rejoint le groupe international Arnette Optic Illusions avec pour mission le développement de l'image de la société.
Il prend en charge, en 2001, au sein de l'Agence, les appels d'offres pour le département Édition.Depuis 2002, directeur artistique indépendant, il privilégie un angle créatif jouant sur le signe en tant que vecteur essentiel de communication : naissance de «pommeC pommeV».
Vous découvrirez ci-contre un panel du travail de Christophe Andrusin commenté par ses soins.

Quelle est votre perception de l’enseignement ?
Selon moi il serait bon de fonctionner sur le même mode que les campus aux états-unis. C'est-à-dire, qu’il y ait un professionnel intervenant qui ait l’usufruit d’un atelier de recherche, pour accueillir les étudiants, que ceux-ci aient une salle de cours attitrée afin qu’ils soient baignés dans un environnement. Il s’agit de créer un rendez-vous d’intervenants au service et à la demande des intervenants et des étudiants.

Baigné à l’origine du département multimédia. La formation se trouve confrontée à des choix, je me trouve sur ces choix, sur un apprentissage global. Et non l’apprentissage d’un support. Cela correspond à la polyvalence de la formation de l’IESA.

On se retrouve face aux nouvelles générations de créateurs de demain. On travaille ce que l’on aime, enseigner c’est se remettre en question, c’est une approche personnelle et il est très difficile de ne pas influencer sur ses propres goûts. Je tends à être engagé avec chaque étudiant, même si c’est difficile puisque c’est un travail dans une globalité, et que chacun a un niveau différent. Selon son talent et son travail.

Au début j’avais tendance à brosser les étudiants dans le sens du poil, afin de ne pas reproduire ce que j’avais connu au cours de mon apprentissage, car être remis en question est difficile, mais c’est cependant formateur. J’ai inévitablement un enseignement qui va vers la conviction, donc la perpétuelle remise en question.
Je ne veux pas que mes étudiants soient dans le non-choix, nous sommes une génération de contrastes. Je tends à respecter l’unicité de chacun, c’est ce qui est le plus difficile.
Je me pose par exemple souvent la question de savoir s’il est bon ou non que j’intervienne de temps en temps sur le travail des étudiants dans le but de leur montrer quelles sont leur possibilités d’action et de création. Le risque étant que l’étudiant ne se reconnaisse plus dans son travail…

J’ai connu de bonnes surprises, il faut se méfier des apparences, ceux qui paraissent le moins créatifs ont été mes meilleures surprises, ce sont ceux qui partent de rien, et qui vont développer une passion, un travail.

Enseigner permet d’apprendre, je suis curieux, j’aime l’apprentissage. En trois ans j’amène des étudiants qui n’étaient pas pour le graphisme, vers le graphisme.

Qu’est-ce que le fait d’enseigner vous apporte tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel ?
Enseigner c’est une vitalité.
Ce n’est pas une démarche financière pour moi, pour reprendre un jargon que l’on utilise dans le milieu des consultants, je ne cachetonne pas.

C’est assez difficile d’allier mon métier et mon agence avec mon enseignement puisque l’on va me demander sur un laps très court d’intervenir deux ou trois jours par semaines. Cela bouleverse mon emploi du temps. Par contre c’est prévu à l’année, mais je ne peux pas en tant que directeur artistique, prévoir mon activité un an à l’avance. Cela se fait bon an mal an je m’engage à être présent et si je ne peux pas faire mon métier parallèlement j’ai mes collaborateurs qui prennent le relais sur moi.

En tant qu’intervenant à l’IESA c’est beaucoup d’énergie, c'est-à-dire que lorsque j’interviens dans une classe, c’est à chaque fois une remise en question c’est une énergie à 100% voire plus pour chacun des étudiants, chaque fois que je vois un étudiant il faut que je puisse me replonger dans son univers personnel et graphique que je puisse me remettre en question et trouver la bonne solution par rapport à sa personnalité sans même l’attirer vers la mienne. C’est ça le danger, c’est d’avoir l’aura et le non aura et d’attirer trop l’individu vers ce que l’on aime.

Comment procédez vous pour transmettre votre passion aux étudiants ?
L’IESA fonctionne sous forme de modules, j’interviens sur l’un des trois modules, pao, que je nommerais graphisme. Mon intervention est sur l’approche, la démarche créative. Et pour ce faire nous sommes contraints d’intervenir sur un laps de temps très court. De un à trois mois. Sur un exercice particulier, un sujet que je vais inventer qui est issu de l’actualité culturelle et graphique, en recueillant un dossier de presse suite au lancement d’un musée ou d’une opération particulière, qui peut être en court de réalisation.je fais donc travailler des étudiants par rapport à cela. C’est une démarche volontaire qui n’est pas à but démonstratif avec un commanditaire précis et une évaluation à la fin du terme mais qui est fictive et liée à l’actualité.

Je me souviens du 1er cours, que j’ai donné, c’était un vendredi soir, je me rappelle avoir été très déçu, les étudiants n’avaient aucune culture de l’image.
Je demande une certaine exigence de la part des étudiants, on donne pour recevoir, enseigner c’est aussi une prise directe à la réalité des générations à venir.

Globalement, je dirais qu’il y a un sérieux manque de travail des étudiants et que l’assiduité n’est pas toujours au rendez-vous. Je n’ai constaté que peu d’évolution dans le travail à proprement parler mais en revanche l’évolution se fait clairement sur la personnalité de chacun, ce qui est très positif ; Je suis, de manière générale, bien plus intéressé par le cerveau que par la main. Chacun grandit, on est le résultat de plusieurs expériences, de plusieurs rencontres et différents enseignements.

De ce fait, je pense que je marque les étudiants et j’espère que mon enseignement les élève psychologiquement, je préfère voir les étudiants se réaliser et participer à leur devenir plutôt que de le subir.
 
Quelle est votre perception des métiers du graphisme aujourd’hui?
J’ai choisi de faire les beaux arts en province malgré le risque de ne pas avoir l’apprentissage de l’excellence parisienne, j’en suis toutefois ravi car  la seule rhétorique que je retiens de mes maîtres, c’est « vous êtes ici pour travailler sur vous, et le seul sujet qui est intéressant c’est vous. » et j’ai eu la chance de faire 5 ans d’introspection et ce que je souhaite à chaque créateur, plasticien, graphiste, da.. d’avoir la chance de pouvoir travailler sur soi et de savoir ce qu’on aime et ce que l’on n’ aime pas. Et bien sur on ne sait jamais ce que l’on aime. C’est un apprentissage. Aimer c’est apprendre. Et j’apprends à aimer. chaque jour.des saveurs des textures des matières…

A l’époque on appelait nos professeurs des maîtres, cela peut paraître rétrograde, conservateur et vieux jeu, j’ai 35 ans et je conserve ce terme là par rapport à mes pères, où la relation maître-disciple est extrêmement importante c’est à dire que pour être professionnel c’est important de donner, on ne peut grandir, apprendre sans apprendre de l’autre.
 

On oublie trop souvent que le graphisme est le fruit d'une commande, c'est
un langage entre le peintre et le mécène, aujourd'hui le graphisme est le
fruit de cet échange, notre travail est avant tout une collaboration.

J’ai eu la chance d’avoir une formation pluridisciplinaire mais inévitablement il faut qu’une école génère des spécialisations par entrée de métier contre l’avis du marché. Il faut lutter contre cela. Aujourd’hui on demande à un directeur artistique d’être graphiste, webdesigner et développeur à la fois, on veut tous les métiers en un. L’école, même si elle tend à enseigner toutes ces matières, n’est pas le reflet de la vie professionnelle. C’est un cadre pour développer sa personnalité, et faire des choix.

 Hier encore j’étais membre du jury au GRETA, nous étions trois professionnels, nous étions bien d’accord malgré nos trois ages différents nos trois histoires différentes .

Je crois que la professionnalisation vient quand même d’une reconnaissance de l’un à l’autre et que le graphisme n’est pas art décoratif, il est sémantique. J’ai eu la chance hier de tomber sur deux autres membres du jury qui ne parlaient que sémantique, et non d’affaire de goût, le graphisme ce n’est pas l’appanacé du bon goût.
Il y a des confrères qui ne peuvent plus dissocier leur approche personnelle de la commande et de la personnalité de l’étudiant..

On voit bien dans l’imagerie contemporaine, qu’il y a très peu de choses réellement novatrices qui sortent. Il n’y a aucun courant de pensée (graphique) le graphisme devient une mode. Aujourd’hui on encense des graphistes qui somme toute sont un décliné de ce qui a été fait il y a 10 20 30 ans. Il y a un problème de mémoire collectif du graphiste. Il y a 15 ans personne ne connaissait le mot graphiste. Aujourd’hui tout le monde l’emploi. Cela devient simple de monter une image avec du texte, il y a une vraie demande, toute une génération est née avec l’outil informatique à la main. Cela donne l’idée aux parents et aux enfants de faire suivre un chemin à l’enfant lorsqu’il ne s’en sort pas scolairement. Cela a détruit un peu l’aspect professionnel. Il y a cette problématique de l’art subjectif.
Il y a des fondements. Je trouve régulièrement des cohésions avec des confrères, malgré nos divergences de goûts etc.. le terme sens a été oublié, même pas galvaudé, c’est bien dommageable.

Cela ne marche pas comme ça, le graphisme n’est qu’un fruit du sens, de la sémantique sinon tout le monde peut être graphiste. Et je le souhaite à tout le monde c’est un métier passionnant. Mais c’est beaucoup plus subtil que cela, ça fait appel à une connaissance générale très très large. Je dis à mes étudiants de lire la presse quel type de presse qu’il soit, de regarder vraiment. Pas seulement lire, pas en diagonale. Il faut regarder comment les titres sont faits, les inters, qu’est-ce qu’une relance, un verbatim, un encadré, un rubriquage. En France on a la chance d’avoir une grande connaissance du découpage presse.  Contrairement à d'autres pays où le fait de lire est beaucoup plus admis.
En France on n'admet pas que lire est une évidence. Il faut aider le lecteur, découper. Faciliter la lecture. On est un des rares pays d'Europe à être aussi pointus dans cet exercice de style.

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