Guerrilla Girls et La Barbe

Un graphisme minimaliste, orienté action.

Riche année pour le graphisme militant, particulièrement féminin. En complément d’« Egalité mon œil » à l’espace Niemeyer en février 2016, la galerie parisienne mfc-Michèle Didier offre ses murs,jusqu’au 12 novembre 2016, à deux groupes féministes, The Guerrilla Girls et La Barbe. Et The Guerrilla Girls continue le combat en exposant au Frac Lorraine à Metz jusqu'au 19 février 2017.

Guerrilla and gorillas
Groupe américain, The Guerrilla Girls s’est créé en 1985 après avoir constaté que seule une minorité de femmes et de personnes de couleur était représentée parmi les 169 artistes ayant participé à l’exposition "An International Survey of Recent Painting and Sculpture" du Museum of Modern Art de New York. The Guerrilla Girls veulent d’abord sauver le monde de l’art et pour cela « interpeler le public sur les discriminations qui sévissent dans les institutions artistiques fortement phallo et ethno centrées ». Par extension, leur combat s’élargit à la société dans son ensemble comme le prouvent leurs récentes prises de position contre Donald Trump.

Leur mode d’intervention : posters et tracts distribués dans la rue par des militantes affublées d’un masque de gorille. De guerrilla à gorilla, il n’y a qu’une lettre, et ce jeu de mots débouche sur un déguisement qui a non seulement l’avantage de protéger l’anonymat des militantes, mais devient aussi leur identité visuelle ! Ironique, le masque peut aussi apparaître inquiétant voire menaçant avec ses longues et puissantes incisives et canines.

Le graphisme des Guerrilla Girls est volontairement simple et percutant. Les textes, tels des slogans sont succincts et incisifs, avec usage de polices simples en bold et ultra bold, en capitales la plupart du temps. Emprunt et détournement, détourage et collage caractérisent leurs visuels, généralement sur fond de couleur monochrome. Les couleurs sont criardes avec une dominance de rose girly, jaune, rouge et noir.

La Barbe
Comme chez les Guerrilla Girls, le poil est de mise chez leurs homologues françaises de La Barbe. Fondée en réaction au machisme exprimé lors de l’élection présidentielle de 2007, La Barbe veut «rendre visible la domination des hommes dans les hautes sphères du pouvoir, dans tous les secteurs de la vie professionnelle, politique, culturelle et sociale en ringardisant leurs codes, leurs valeurs, leur esprit de corps». Symbole de virilité, la barbe fournie était particulièrement répandue jusqu’à la deuxième guerre mondiale. La Barbe la détourne avec des militantes portant des postiches lors de leurs interventions et manifestations.

Cette esthétique de la 3ème République se retrouve également dans l’ensemble des outils de communication mis en place par La Barbe. Leurs slogans se déploient en blanc sur une bannière de tissu noir, comme les cartons d’intertitres dans les films muets. Leurs posters détournent des visuels et affiches célèbres des XIXème et début du XXème siècles, comme la Liberté de Delacroix ou les affiches de souscription d’emprunts de guerre. Là aussi, le graphisme est volontairement sommaire, lisibilité et immédiateté du message priment dans l’univers stylistique de La Barbe comme chez les Guerrilla Girls.

Paul Schmitt, septembre 2016, mise à jour novembre 2016


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