L'art des studios d'animation Disney en 4 époques

Les choix artistiques et techniques évoluent, mais toujours au service de la même ambition : rester les meilleurs.

Bientôt 90 ans de leadership en animation pour les studios Disney : Walt Disney s’est établi en 1923 à Hollywood où il créa le personnage de Mickey Mouse en 1928 et réalisa le premier long métrage d’animation, Blanche Neige et les 7 Nains, en 1937. Un leadership que Walt Disney Animation Studios n’a jamais lâché depuis grâce à un sens aigu du business certainement, mais surtout grâce à un savoir-faire combinant créativité et avances techniques, le tout au service du storytelling.

L’irrésistible ascension : les années 30-40
Entouré d’une équipe d’animateurs talentueux (les « Nine Old Men » comme il les surnomme lui-même), Walt Disney pose les fondamentaux de l’industrie de l’animation. Le dessin sur feuilles celluloid devient la technique reine, marginalisant les techniques plus artisanales comme le papier découpé et l’animation volume (stop motion) qui devient une spécialité des pays d’Europe de l’Est. Walt Disney et son studio établissent non seulement les 12 grands principes de l’animation (dont le fameux « squash and stretch »), mais aussi les techniques et méthodes de travail toujours en cours. La feuille d’exposition détermine combien de dessins sont nécessaires pour animer une action. La caméra multiplane positionne les celluloïds sur un axe en profondeur et permet ainsi de varier lumières et décors à l’intérieur d’une même scène. Le long métrage Fantasia (1940), pure œuvre d’art mêlant musique et animation, utilise pour la première fois un son stéréoscopique. Mais surtout, Walt Disney et son équipe observent le réel, l’étudient en détails, s’en inspirent pour le dessiner dans un réalisme stylisé qui est la marque des studios Disney.

Le modernisme des années 50-60
Le studios Disney savent évoluer artistiquement vers plus de modernité dans les années 50. La gamme des couleurs change, la stylisation des formes gagne des films comme Alice au pays des merveilles (1951), La Belle au bois dormant (1959) et Les 101 dalmatiens (1961). Techniquement, l’écran large du cinémascope fait son apparition avec La Belle et le Clochard (1955), permettant des décors plus vastes et des séquences plus longues. Les effets visuels s’améliorent en étant réalisés sur des celluloïds séparés : Maléfique dans La Belle au bois dormant se transforme ainsi en dragon qui crache du feu, provoquant fumée et étincelles, tous effets dessinés séparément et « composités » ensuite. Et le procédé Xerox, cad la photocopie, arrive en 1959 pour dupliquer les dessins d’animation directement sur les celluloïds plutôt que de les retracer à l’encre. C’est certes plus productif mais change aussi la nature du dessin, puisqu’on préserve ainsi, défauts inclus, le dessin d’origine.

Les années 90 : le revival
Après une longue éclipse suivant la mort de Walt Disney (1966), les studios Disney retrouvent les chemins de la créativité fin des années 80 avec une nouvelle génération d’animateurs. On renoue avec des contes classiques comme La petite Sirène (1989) et La Belle et la Bête (1991), mais le storytelling se diversifie aussi avec des héroïnes plus volontaires, plus actives, et des environnements plus exotiques : Pocahontas (1995) et Mulan (1998). Les studios Disney sont par contre réticents vis-à-vis des nouvelles techniques d’images de synthèse, faisant ainsi fuir John Lasseter vers Pixar en 1984. Les premières images de synthèse font néanmoins leur apparition dans les décors de La petite Sirène (1989). Et Le Roi Lion (1994) et Mulan (1998) introduisent la gestion de foules en animation.

Back to leadership : 2006- présent
Au tournant des années 1990-200, Pixar et Dreamworks Animation dominent l’animation mondiale avec des histoires originales (Toy Story, Shrek) et des techniques d’images de synthèse qui progressent à pas de géant. En 2006, Bob Iger, nouveau patron de Disney, se rend compte que son studio n’a plus créé de personnage marquant depuis des années. Et Pixar, jusque-là distribué par Disney, menace de s’allier à d’autres. Le rachat subséquent de Pixar par Disney fait de Steve Jobs le premier actionnaire du groupe Disney et de John Lasseter le Chief Creative Officer des Walt Disney Animation studios. John dirige ainsi Pixar, qui garde son autonomie créative, mais aussi les studios d’animation Disney proprement dits. Et il y réussit la synthèse entre le look traditionnel Disney et les techniques d’animation 3D, tout en alternant contes de fées traditionnels et histoires plus modernes. Un « Saint Graal » qui enchaîne les succès : Raiponce (2010), La Reine des neiges (2013), Vaiana/Moana (2016). Et qui laisse loin derrière les concurrents, même ceux soutenus par les autres majors du cinéma américain.

Tout cela est à voir en détails à la très complète exposition « L'Art des studios d'animation Disney », au Musée Art Ludique à Paris jusqu’au 5 mars 2017. Plus de 400 dessins, peintures, interviews et extraits de films documentent ce savoir-faire novateur que les successeurs de Walt Disney, John Lasseter en tête, améliorent constamment. A visiter absolument pour tous les fans d’animation!

Paul Schmitt, janvier 2017