Lone Ranger

Entre un beau western plein de références cinématographiques et un film de héros, il faut parfois choisir…

… Ce que le réalisateur Gore Verbinski ne fait pas. D’où le score décevant de The Lone Ranger au box-office : sorti aux US début juillet et en France ce 7 août 2013, le film rapportera au total environ $200 millions en salles selon le magazine professionnel Variety. Pas assez pour amortir un budget de production de $215 millions auquel se rajoute un budget marketing de $175 millions environ. Grosse déception pour Disney, deux ans après une autre catastrophe du même type avec le film de science-fiction John Carter.

Dommage, Lone Ranger ne manque pas de mérites en tant que western. Paysages splendides  et reprise des éléments essentiels (gunfights, poursuites à cheval entre US marshalls et bandits) le rattachent au western classique, avec néanmoins une photographie moderne plus proche du blockbuster actuel que du Technicolor de l’époque.

 En plus, Gore verbinski est fan des  western spaghetti de Sergio Leone et de leur côté réaliste, voire crasseux, comme l’avait déjà montré Rango (2011), son long métrage d’animation fait avec ILM. Scénaristiquement et esthétiquement, Lone Ranger est ainsi proche d’Il était une fois dans l’Ouest : rangers et hors-la-loi en manteaux longs s’affrontent dans la poussière, alors que leur monde, leur « New Frontier »,  est déjà dépassé par le chemin de fer et l’industrialisation qu’il apporte avec lui.
La construction du chemin de fer et son pouvoir corrupteur constitue un thème omniprésent dans le film de Sergio Leone comme  dans Lone Ranger, thème illustré ici par de longs travellings venant introduire les scènes principales.
Mentionnons enfin beaucoup de reprises du western « révisionniste » avec le thème latent du génocide indien et des institutions en déliquescence. Le thème est traité ici de façon moins nihiliste (cf les films de Sam Peckinpah...) et plus humoristique, ce qui contribue à la confusion des genres dont souffre Lone Ranger.

Car Lone Ranger se veut aussi un blockbuster qui raconte la naissance d’un héros masqué au Far West, prélude à une saga des aventures de Lone Ranger et de son fidèle second, l’Indien Tonto.

Lone Ranger et Tonto, le retour
Après l’immense succès de la sagaPirates des Caraïbes (plus de $2 milliards de recettes pour les 3 premiers films, réalisés par Gore verbinski lui-même), l’équipe formée du producteur Jerry Bruckheimer, du réalisateur Gore Verbinski et de l’acteur Johnny Depp veut en reprendre la recette pour créer une nouvelle « franchise ». Et à cet effet, ils reprennent un personnage issu non pas des BDs de Marvel ou DC Comics, mais d’un feuilleton radiophonique (2956 épisodes de 1933 à 1954 !) et d’une série TV (sur la chaine ABC de 1949 à 1957).

Mais le fade John Reid, alias Lone Ranger, n’est pas un personnage à la hauteur d’un Johnny Depp, le héros de l’histoire devient plutôt le Comanche Tonto : « J’ai tenu à incarner Tonto non pas comme l’acolyte du Lone Ranger, mais comme un guerrier, un homme d’une grande intégrité et d’une grande dignité. J’ai essayé, à mon échelle, de réparer les injustices du passé. »

Noble ambition, mais Tonto en devient un personnage tragi-comique difficile à suivre. Inspiré d’un tableau de l’artiste Kirby Sattler intitulé « I Am Crow », le maquillage de Tonto rivalise certes d’originalité avec celui de Jack Sparrow dans Pirate des Caraïbes. Mais autant Jack Sparrow est flamboyant et charmeur, à l’image des Caraïbes du XVIIème siècle façon Disney,  autant le Tonto de Johnny Depp est en retrait, occupé à conjurer ses erreurs passées, dans un Far West très loin de la terre promise.

Cap sur l’Ouest américain
Gore Verbinski voulait un film « ancré dans la réalité » et a tourné le plus possible en extérieurs. Les villes poussiéreuses à souhait de Colby et Promontory Summit ont été bâties à 60km d’Albuquerque  au Nouveau Mexique. Les décors sublimes du Canyon de Chelly  et de Monument Valley servent de décor à l’embuscade des rangers et à la chevauchée solitaire de Lone Ranger et Tonto.
 

A Moab dans l’Utah, ce sont les sites de Fossil Point  (déjà utilisé pour la scène finale de Thelma et Louise de Ridley Scott) et Dead Horse Point qui abritent respectivement le campement des ouvriers du chemin de fer et la plateforme de 6m où se réveille Lone Ranger après avoir été secouru par Tonto. En tout, sept mois de tournage en 2012 pour une « image réaliste et assez brute, digne d’une histoire épique et spectaculaire » (Gore Verbinsky).

Effets spéciaux et effets visuels
Explosions et surtout poursuites de trains ponctuent Lone Ranger. Des scènes spectaculaires mais réalisées autant que possible en tournage sur place au Nouveau Mexique. Et retravaillées ensuite en postproduction par ILM (Superviseur Tim Alexander, partenaire de Gore Verbinski depuis les Pirates des Caraïbes), secondé par MPC (Londres) et Lola (Santa Monica, Californie).

Personnages centraux du film, deux trains de 250 tonnes ont été construits, ainsi que 8 kilomètres de rails formant un ovale, plus 3 kilomètres de doubles rails pour la scène finale où deux trains se poursuivent sur des voies parallèles. Les deux trains, le Jupiter et le Constitution étaient authentiques au plan historique jusque dans les moindres détails, sauf sur deux points importants : d’abord, les locomotives étaient équipées de moteurs hydrauliques modernes et non de moteurs à vapeur, et ensuite, les wagons étaient tous construits selon le principe des containers de transport, ce qui permettait de les soulever ou de les poser sur les châssis ou sur les camions plats équipés pour les prises de vues sur route. Et bien que John Frazier, Superviseur effets spéciaux, oscarisé pour les SFX de Spider-man 2 etLe Monde d’Oz, ait conçu les trains pour qu’ils circulent à 50 km/h, des locomotives Diesel modernes ont été rajoutées pour remorquer ou pousser les trains d’époque à plus grande vitesse.

Et pour la scène dans laquelle une locomotive qui déraille manque d’écraser Tonto et John Reid, John Frazier et son équipe ont placé une locomotive de 11,5 tonnes sur une plaque tournante de 1,8 tonne qui, mue par des câbles, pouvait pivoter et se renverser sur un support de 4,5 tonnes pour simuler le déraillement.

Les effets visuels, pourtant présents dans 1300 plans de Lone Ranger, sont à la fois spectaculaires et discrets : explosions et débris, rajout de foules et cascadeurs numériques, extensions de décors complètent les images tournées.

Pour la seule scène finale de la course-poursuite des deux trains, ILM a fourni environ 350 plans avec VFX, comprenant notamment des rendus complets de plans larges et de gros plans des trains : « Gore Verbinski a imaginé cette scène comme la furieuse chevauchée de ces deux trains qui se mesurent presque en duel, tanguent, virent, entrent en collision mais continuent à avancer encore et encore. Et c’est à nous de faire en sorte que ça ait l’air vrai. Les prises de vues réelles de Gore nous fournissent le cadre de la séquence, mais notre mission consiste à créer des  images de synthèse d’une qualité équivalente. » (Tim Alexander)

MPC s’est vu déléguer plusieurs séquences explique Gary Brozenich, Superviseur VFX : « Moving Picture Company a créé l’attaque des Comanches pour la séquence qui se déroule dans la mine de Sleeping Man. Nous avons prolongé le décor, ajouté des guerriers comanches avec notre gestionnaire de foule propriétaire ALICE, ainsi que les milliers de flèches comanches qu’ils tirent, créé les doubles numériques des personnages qui reçoivent des flèches, remplacé les visages de certains acteurs et intégré des explosions en tous genres. Nous avons également conçu les scorpions qui grimpent sur les têtes de Lone Ranger et Tonto, ainsi que certains décors et paysages qui apparaissent tout au long du film. »

A la fois film à thèse et blockbuster d’été, Lone Ranger est un film beau et spectaculaire à défaut d’impliquer suffisamment le spectateur dans son histoire. Nous vous encourageons d’autant plus à aller le voir qu’il est peu probable qu’il connaisse une suite…

Paul Schmitt & Wilhelm Kuhn, août 2013

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