Mikros Image - Gilles Gaillard

Gilles Gaillard, directeur général de Mikros Image

Pixelcreation.fr : Gilles Gaillard, pouvez-vous nous présenter brièvement les activités de Mikros ?
Gilles Gaillard :
Mikros est une société de postproduction d’images numériques de 150 personnes salariées et 80 free-lances en moyenne. Notre chiffre d’affaires est de 21 millions d’euros pour 2007 et nous sommes présents sur plusieurs marchés : 67 % de notre CA est généré par la publicité, 26 % par le cinéma, le reste correspond à la télévision, à l’habillage, ou à d’autres commandes (DVD, muséographie…). Nous sommes organisés en quatre communautés dédiées : une pour les effets visuels, une pour le "Digital Film" c’est-à-dire tout ce qui concerne le traitement d’images pour le cinéma, une troisième dédié au labo numérique et aux délivrables, responsable en amont et en aval de la qualité des images transformées chez Mikros et de leur livraison, une autre enfin pour la Recherche et Développement.

Comment se situe Mikros dans la postproduction française ?
La spécificité de Mikros dans le paysage français des postproducteurs, est de traiter à la fois des projets de cinéma et de publicité. Nous avons choisi ce positionnement parce qu’il nous semblait que cela correspondait à une surface de marché indispensable pour bénéficier d’une certaine forme de stabilité avec des projets à court et long terme. Une autre raison est qu’il existe des passerelles entre tous les supports et aussi entre les professionnels de la création. Il n’est pas rare qu’un réalisateur de fiction travaille aussi dans la publicité. Notre philosophie est de se demander comment Mikros peut agir pour renforcer la communauté des professionnels avec lesquels nous travaillons : les gens en interne, les free-lances, les spécialistes appelés sur des besoins spécifiques et nos clients. Toutes ces sphères imbriquées forment l’espace de notre communauté : pour nous, c’est cela qui constitue l’entité Mikros. Notre capacité d’échange est essentielle pour alimenter notre créativité en faisant cohabiter beaucoup de gens ensemble. A un moment s’est posée la question d’une structuration de la société de manière pyramidale. Ce que j’essaye d’accompagner comme changement c’est plutôt de limiter les étages hiérarchiques et de se situer dans une logique de conduite de projets.

Pour vous, cette nouvelle organisation correspond à une évolution de la postproduction ?
Ces dernières années, la postproduction a connu une transformation et nous sommes passés du système des stars à celui des équipes de travail. A la fin des années 90, le gros de la postproduction et des effets spéciaux, c’était un gars tout seul derrière un Flame travaillant avec vingt clients dans la salle de montage et capable de faire des trucs géniaux. Aujourd’hui, on a toujours des Flame et des gens talentueux mais une nouvelle génération est arrivée avec des compétences graphiques différentes et une expérience basée sur des solutions PC. Il y a quelques années, nous avons commencé à ouvrir des salles dotées de ce qu’on appelait des Mac-FX, c’est-à-dire des ordinateurs Mac "gonflés" et équipés de suite logicielle pour les effets spéciaux. En écoutant les demandes des graphistes, nous avons amélioré ces solutions grâce aux développements réalisés par notre équipe R&D. Et nous avons accompagné ces talents avec notre savoir-faire dans l’accueil et l’écoute des clients.

A quels types de commande répondez-vous ?
Aujourd’hui les commandes sont de deux types : soit on réalise des effets extrêmement compliqués et inédits et il faut alors mobiliser des talents de création, soit on nous passe une commande dont on connaît la recette mais qui doit être réalisée dans un délai très court, et pour y répondre il faut mobiliser une vingtaine de personnes. D’où l’importance de la notion de communauté.

Pouvez-vous nous en dire plus sur cette notion de communauté ?
Oui, l’idée est d’accompagner un certain nombre de gens qui ont un rôle emblématique chez Mikros. La question pour nous est de valoriser les talents dont nous disposons : par exemple les Flamistes ou les étalonneurs. Il faut arriver à traduire de manière plus concrète ce qu’ils peuvent apporter. Par exemple notre étalonneur Jacky a travaillé sur le film Entre les murs de Laurent Cantet qui a reçu la Palme d’or à Cannes cette année et il est normal qu’il reçoive sa part de ce succès. Comment fait-on pour qu’il puisse s’exprimer à ce propos et que les gens aient envie de le rencontrer ? L’un de nos projets de R&D est Sebastian (voir l’entretien avec Benoît Maujean) qui comporte un site communautaire spécialisé dans la postproduction. Par ailleurs, nous souhaitons organiser des workshops chez Mikros, dans lesquels des professionnels viendront expliquer leur métier. En fait nous voulons valoriser nos savoir-faire en interne et vers l’extérieur et augmenter le volume d’échanges sur un mode différent du simple fait de se croiser dans les couloirs. L’enjeu de Mikros devient alors : sur la base de notre capacité à attirer des communautés par l’intérêt des projets que l’on développe, comment peut-on écouter cette communauté pour savoir quels sont les outils dont elle a besoin, et comment peut-on nouer les partenariats et les synergies avec d’autres partenaires, qui sont eux capables de nous offrir des infrastructures industrielles adaptées à ces communautés. On est passé d’une approche "outils-centrique" avec une facturation à l’heure consommée à une logique de gestion de projet où l’on met en œuvre les équipes adaptées et on essaye de respecter le fameux coût/délai/qualité.

Quelles sont les évolutions en cours chez Mikros dans la gestion informatique ?
Dans un premier temps, nous avons investi massivement dans des infrastructures techniques : systèmes de stockage et render-farms (NDLR : ensemble d’ordinateurs dédiés au calcul). Or on peut se poser légitimement la question de savoir si c’est notre métier d’entasser des PC, de les alimenter, de les climatiser… Aujourd’hui, nous réfléchissons à la possibilité de confier cette tâche aux professionnels spécialisés qui apparaissent sur le marché international. Le projet Sebastian vise à constituer un volet communautaire, mais aussi à utiliser des ressources distantes via des réseaux à très haut débit. Autre tâche : l’amélioration de notre outil de workflow Mikado développé en interne. Le problème étant de gérer un volume de 70 Téra-octets de données qui sont échangées sur notre réseau.

Un mot sur le cinéma numérique ?
Nous avons travaillé l’année dernière sur la postproduction d’une quarantaine de films en numérique. Nous avons accompagné et nous continuons d’accompagner les chefs-opérateurs dans leur démarche de reconversion vers le numérique. Nous essayons de discuter avant le tournage avec le chef décorateur pour décider de ce qui peut être construit par rapport à ce qui peut être fabriqué en images de synthèse et de voir quelles seront les conséquences pour le réalisateur sur le plateau. Ces discussions en amont nous conduisent à assumer de nouvelles responsabilités dans les projets.

Vous avez créé une filiale de ressources humaines, pour quelles raisons ?
Cela va également dans le sens de la communauté. Nous avons créé une filiale MTC-Ressources pour gérer les ressources humaines afin de recruter de manière plus efficace les talents dont nous avons besoin chez Mikros et PGLL (NDLR : PGLL, Plus Gros Le Logo, filiale de Mikros, spécialisée dans la postproduction publicitaire). Et comme nous faisons partie d’un groupe italien, c’est aussi la possibilité de faire appel à des ressources à l’étranger pour une mission spécifique et c’est la même démarche avec notre partenaire aux Etats-Unis Eight-VFX. De plus, il y a un projet qui concerne les free-lances avec lesquels nous travaillons et qui travaillent aussi pour d’autres prestataires, nous réfléchissons à la possibilité de leur proposer une gestion de leurs feuilles de paye. Il ne s’agit pas de devenir leur agent mais de leur offrir un service pratique qui peut faire la différence.

Quel est pour vous le défi pour Mikros dans les prochaines années ?
Pour Mikros, fondée en 83, qui est donc une société historique sur ce marché de la postproduction, un des gros challenges est de tirer partie de sa richesse et de son expérience en étant toujours aux limites de ce que l’on sait faire de plus pointu, étrange, intéressant. Cette combinaison de maturité et de défi permanent constitue notre singularité dans le paysage français. Personnellement, c’est cela qui m’intéresse particulièrement dans la transition que je dois mener.