Mikros Image - Julien Meesters

Julien Meesters, responsable des effets spéciaux de Mikros Image

Pixelcreation.fr : Julien Meesters, vous avez 35 ans, vous êtes responsable chez Mikros des effets spéciaux, quel a été votre parcours professionnel ?
Julien Meesters :
L’amour premier c’est le cinéma. Après un Bac A3 cinéma, puis un BTS de montage, j’ai effectué des stages dans les sociétés de postproduction. Ensuite, j’ai été assistant monteur-truquiste chez le prestataire UMT. En 1992, ils ont acheté un Flame, c’était le deuxième vendu en France. Il n’y avait pas de permanent. J’ai profité de cette occasion, je me suis formé un peu tout seul pendant un an en plus de mon travail et je suis devenu flamiste. Ensuite, il y eu Karl Zéro qui m’a bien aidé dans mon aventure numérique. On réalisait ensemble les séquences de détournement d’images pour son émission Le vrai journal. A partir de 97, j’ai été free-lance puis engagé chez Mikros. En 2001, j’ai été recruté par Digital Domain à Los Angeles et je suis devenu "digital effects supervisor" pour la publicité et aussi pour du long-métrage. C’était une très bonne expérience. En 2003, je suis revenu en France, chez Mikros comme responsable des effets spéciaux et aujourd’hui je m’occupe également du studio et de son développement.

Votre département travaille à la fois sur des films de publicité et de cinéma ?
Ma formation et mon goût de départ ne viennent pas des arts graphiques mais plutôt du cinéma, de la narration, de la lumière… Aujourd’hui ce qui m’intéresse dans mon métier et pour Mikros c’est d’essayer de ne pas être sectaire par rapport à des "familles" de films. Je pense que notre activité est par nature hybride. La classification par marchés peut être intéressante d’un point de vue opérationnel mais, à mon sens, pas vraiment pertinente d’un point de vue artistique.

Concrètement, comment vous organisez-vous ?
Aujourd’hui on arrive encore à ne pas sectoriser les productions par marché. On reçoit un projet et on va plutôt s’intéresser à la nature de ce projet qu’à son marché. L’important est d’établir la méthode de fabrication la plus adaptée. Ce n’est pas toujours une position facile. Il y a le danger de réinventer la roue à chaque projet. Il y a bien sûr des solutions éprouvées pour la publicité ou pour le cinéma, mais ce que nous essayons de faire c’est d’hybrider les personnes et les méthodes pour justement éviter les stéréotypes selon les marchés. Cela signifie aussi que les personnes qui travaillent ici ne sont pas cantonnées à un seul marché. Il arrive que nous recrutions des spécialistes d’un domaine très précis du film ou de la publicité mais les équipes sont issues d’univers différents. Si je prends l’exemple de la publicité pour Nissan avec les animaux (2006), pour laquelle nous avions un délai de quatre semaines, nous étions obligés de mettre en place un "pipe-line" de production comparable à celui d’un long-métrage : c’est-à-dire une équipe dédiée pour chaque animal, un graphiste chef d’équipe, et une production très linéaire. Par contre, pour le clip de Madonna réalisé récemment, c’est le contraire, on organise une équipe qui réunit des talents provenant d’horizons différents et on cherche une sorte de spontanéité en favorisant l’émulation au sein de l’équipe qui est réunie dans la même pièce. D’ailleurs les gros studios américains de postproduction reviennent à ce type d’organisation et se disent que c’est peut-être une bonne idée d’associer sur le même lieu les gens qui font le rendu avec ceux qui réalisent le compositing parce que les échanges sont plus faciles et que cela fait sans doute gagner du temps. Cela dit, ce type d’organisation n’est pas applicable dans tous les cas. Parlons maintenant des outils nécessaires à un projet.

Comment abordez-vous cette problématique ?
C’est un sujet qui me passionne. Là aussi, il faut gérer deux oppositions. D’une part, il y a la logique opérationnelle d’une société qui oblige à définir des outils et des procédures, et forcément il faut respecter cette équation économique pour rendre Mikros gérable, et d’autre part, il y a une autre idée qui me plaît bien qui est de considérer que ce qui est intéressant souvent c’est la rencontre entre un artiste et un outil. Il y a quelques années, j’aurais eu tendance à vous dire que l’important était la personne, mais avec l’expérience, je dirais que c’est bien la rencontre d’une personnalité créative avec un outil qui va lui permettre de s’exprimer. Je pense à quelqu’un chez nous qui est spécialiste d’AfterEffects et qui est tellement en symbiose avec cet outil qu’il réussit à fabriquer des films que lui seul sait réaliser avec ce logiciel.

Quels sont les conseils de formation que vous pourriez donner ?
Nous avons établi des liens forts avec certaines écoles, SupInfoCom par exemple, en amont de l’accueil des étudiants, nous avons une relation avec les enseignants de ces écoles, ce qui nous permet d’expliquer les profils que l’on recherche. Pour ceux qui souhaitent s’orienter vers ce métier, ce qui me paraît fondamental, en plus d’une formation, c’est trois qualités : la curiosité, l’obstination et savoir écouter. Сertains étudiants ont tendance à ne pas assez faire la différence entre "être réalisateur" et "travailler dans une société d’effets visuels". D’ailleurs quand je reçois un jeune qui me dit, lors d’un entretien, qu’il veut devenir réalisateur, j’ai de la sympathie mais en même temps je suis embêté. Car ce que l’on demande aux personnes que l’on embauche ce n’est pas d’être réalisateur. Si nous avions besoin d’un réalisateur nous le choisirions sur d’autres critères. Ce que l’on demande c’est de savoir écouter un brief, d’avoir un point de vue sur son travail et d’être obstiné parce que quand cela ne marche pas il faut persévérer. L’important est d’être capable de mettre ses ambitions au service du projet et la qualité d’écoute est cruciale.