Ai Weiwei Entrelacs

Prolifique, iconoclaste et provocateur, Ai Weiwei utilise son art pour faire bouger la réalité.

Certainement le dissident le plus connu de Chine, Ai Weiwei est d'abord un artiste influencé entre autres par Marcel Duchamp et sa manière de mêler art et réalité: « La vie des artistes chinois est marquée par une diversité et une confusion remarquables, des changements et des désordres, (...). Ce que l’on observe couramment aujourd’hui dans la production artistique, c’est une recherche et une réflexion sur la politique de la Chine, son histoire et sa culture, l’individu et le collectif, les réformes, l’authenticité du moi, le repentir, la spiritualité, la sexualité, l’Occident, la richesse matérielle, l’art et la méthodologie. »

Ai Weiwei (Pékin, 1957) est le fils du poète Ai Qing. Après des études à l’Académie de cinéma de Pékin, il participe en 1978 à la création d’un collectif d’artistes, The Stars, qui rejette leréalisme social et défend une conception individuelle et expérimentale de l’art. En 1981, il se rend aux États-Unis et, en 1983, s’installe à New York où il étudie à la Parsons School for Design. C’est à cette époque qu’Ai Weiwei prend des milliers de photographies de lui-même et de ses nombreuses connaissances de la colonie artistique chinoise de New York. De retour à Pékin en 1993, il participe à la fondation de CAAW (China Art Archives & Warehouse) et commence à s’intéresser à l’architecture. En 1999, il ouvre son propre atelier à Caochangdi et, en 2003, crée l’agence d’architecture FAKE Design. La même année, il joue un rôle important – en collaboration avec les architectes suisses Herzog & de Meuron – dans la construction du stade olympique, le célèbre « Nid d’oiseau » qui devient le nouveau symbole de Pékin. En 2007,   l’initiative d’Ai Weiwei, dans le cadre d’un projet intitulé Conte de fées, mille et un Chinois sont invités à la foire artistique Documenta 12 de Cassel.
En 2010, à Londres, la Tate Modern expose un immense tapis – très minimaliste sur le plan formel – conçu par l’artiste et composé de 100 millions (!) de graines de tournesol en porcelaine, modelées et peintes à la main par des artisans chinois. Mentionnons que la Tate a récemment racheté 10 millions de ces "graines", probablement pour reconstituer cette mosaïque, au moins en partie...
Parallèlement, Ai Weiwei a continué de photographier (en particulier ses Etudes de perspective de monuments célèbres soulignés par un doigt tendu... voir ci-contre) et de nourrir son blog, du moins jusqu'à ce que les autorités chinoises le ferment en 2009. Depuis, Ai Weiwei s'est rabattu sur Twitter comme support d'expression!

Ai Weiwei est un artiste généraliste et un critique social qui a entrepris de faire bouger la réalité et de contribuer à la façonner. Tout à la fois architecte, artiste conceptuel, sculpteur, photographe, blogueur, adepte de Twitter, artiste-intervieweur et critique culturel, Ai Weiwei ’est unobservateur perspicace des enjeux et des problèmes sociétaux d’aujourd’hui, un grand partisan de la communication et des réseaux. Il aborde de front la question des conditions sociales en Chine et dans d’autres pays en livrant son témoignage sur les bouleversements que subit Pékin au nom du progrès, en adoptant dans ses Études de perspective une attitu  irrespectueuse à l’égard des valeurs établies ou en rompant avec le passé dans des oeuvres composées devieux meubles trouvés. L’idée qui le guide reste la même : libérer les potentiels dans le présent et pour l’avenir, affirmer ses positions grâce aux dizaines de milliers de photos et de textes diffusés sur son blog ou par le biais de Twitter.

Arrêté au printemps 2011 pour pornographie (une photo de lui avec quatre femmes, tous nus... et sagement assis sur des chaises), libéré sous caution et assigné à résidence depuis juin 2011, Ai Weiwei n'a pu venir inaugurer sa première grande exposition en France au Jeu de Paume à Paris. Jusqu'au 29 avril 2012, cette exposition Entrelacs prolonge celle du Fotomuseum de Winterthur pour laquelle Ai Weiwei a heureusement eu le temps de sélectionner documents et photographies avant que les autorités chinoises ne ferment son blog et confisquent ses archives. Une exposition à ne pas manquer pour comprendre l'homme et l'artiste aussi bien que la société chinoise. 

Clémentine Gaspard, février 2012