Grapus

Retour en images sur le groupe le plus emblématique du graphisme politique français.

Vous connaissez forcément Grapus si vous êtes pratiquant ou simplement passionné de design graphique. Le mélange de verve soixante-huitarde et d’audace formelle de ce collectif a bouleversé le graphisme français de 1970 à 1990.

Grapus, c’est d’abord la révolte commune de Pierre Bernard, Gérard Paris-Clavelet François Miehe. Ils se sont rencontrés en mai 68, à l’Atelier Populaire de l’École des Arts Décoratifs. Ils y ont conçu et tiré des images, certaines fameuses. On les traita alors, plus ou moins gentiment, de «crapules staliniennes», à cause de leur attachement au Parti communiste. Cette invective, mélangée avec «graphisme», est devenue «Grapus»! Après deux ans d’études, ensemble, à l’Institut de l’environnement, les trois compères se lancent dans l’aventure en 1970 sous cette signature pour créer des images sociales, politiques, proposer une nouvelle expression de l’actualité avec la volonté de la faire bouger. En 1975, Alexander Jordan et Jean-Paul Bachollet viennent les rejoindre.

« Grapus a été une tentative d’avoir une pratique politique des images, explique Gérard Paris-Clavel, une attitude un peu plus intelligente avec les formes. Une centaine de personnes sont passées au Grapus en vingt ans. À l’origine, nous nous étions tous trouvés un point commun : à Varsovie, nous avions rencontré le graphiste Henryk Tomaszewski. C’était un homme qui mettait véritablement en pratique les idées très singulières qu’il enseignait. Et puis il était très « intellectuel des images » alors que dans les écoles d’art appliqué de France, l’enseignement était destiné à faire des dessins publicitaires, souvent dans une pratique franchouillarde et populiste de l’image. »

Jusqu’en 1977, Grapus produit surtout des images politiques. Puis les commandes affluent d’institutions culturelles : des théâtres, spécialement « La Salamandre », des maisons de la culture, des ministères, le Centre national des arts plastiques, des musées dont Le Louvre, le Parc de la Villette… « Longtemps, nous avons pratiqué un dialogue créatif, amoureux, sans faille, se souvient Gérard Paris-Clavel. Puis s’installèrent les usures, les contradictions. Nous n’avons pas vu le temps passer. Autour de nous la société se transformait. Les certitudes s’estompaient et altéraient la sérénité de notre production. » Facteur aggravant, « aux relations avec les militants et les associations se sont progressivement substituées les commandes de grandes institutions culturelles et publiques. Nous pensions alors qu’il était bien de confier à ces grandes institutions, légitimées par le suffrage universel, le pouvoir de faire rayonner notre travail auprès du plus grand nombre. Nous avons découvert ce paradoxe : plus importants sont les moyens d’agir sur les masses, plus le sens est confisqué, récupéré. Les institutions filtrent la réalité. L’expérience de Grapus devait s’arrêter si nous voulions continuer un travail de qualité. C’est un sursaut d’honnêteté et d’intelligence qui a fait que nous nous sommes séparés. »

Les archives du groupe sont alors confiées à la ville d'Aubervilliers. Un fond de 863 affiches (!) qui est trié et catalogué dans les années 2000, catalogue qu’on peut consulter en ligne. Néanmoins, les expositions consacrées à Grapus sont plus que rares ces dernières années. Saluons donc l’initiative de la ville de Thiers (Puy-de -Dôme) d’en proposer une rétrospective, à voir à l’usine de May jusqu’au 17 septembre 2017. Et après, il n’est pas trop tard : Grapus est aussi présent dans l’exposition de Gérard Paris-Clavel à la MABA (val de Marne) jusqu’au 12 novembre 2017 et dont nous rendons compte par ailleurs !

Clémentine Gaspard, septembre 2017