Arrietty

Le Studio Ghibli assure la relève de Hayao Miyazaki avec cet excellent film, même s’il y manque un brin de folie du Maître.

Sous-titré Le petit monde des Chapardeurs, le film raconte la vie de la minuscule Arrietty (12cm de haut), dont le petit peuple vit caché sous le plancher des maisons, et son amitié avec un garçon humain venu passer l’été dans la maison de sa grand-mère. Un synopsis qui vous rappelle Arthur et les Minimoys ? Oui, mais les deux films ont très peu de ressemblances. Arrietty n’est pas un film d’action, mais une superbe méditation, plutôt mélancolique,  sur le changement et la mort qui nous guette tous. Avec une richesse des décors, un soin des détails et une animation subtile qui nous ont séduits.

L’histoire est tirée du livre pour enfants Les Chapardeurs (The Borrowers en vo) écrit en 1952 par l’anglaise Mary Norton. Elle y raconte la vie de petits êtres humains minuscules qui se cachent des vrais humains par peur, tout en leur chapardant de petites quantités de nourriture pour mieux survivre. Hayao Miyazaki voulait adapter depuis longtemps cette histoire, mais ne s’est décidé qu’en 2008, et en a confié la réalisation à un représentant de la nouvelle génération du studio Ghibli: Hiromasha Yonebayashi. Celui-ci avait fait ses preuves comme animateur sur plusieurs longs métrages du studio Ghibli, dont le récent Ponyo sur la Falaise (2008, réalisé par Hayao Miyazaki lui-même), et fait ses premières armes comme réalisateur sur un court métrage documentaire.

Arrietty est une réussite, probablement le meilleur film du studio Ghibli depuis LeChâteau ambulant (2004), et le public japonais ne s’y est pas trompé en lui réservant un accueil triomphal. L’histoire est simple (pour un film d’animation japonais), sans côté surnaturel (une fois qu’on admet l’existence des petits Chapardeurs), et fonctionne sur deux niveaux. Au premier degré, c’est  une histoire d’amitié entre une jeune fille et un garçon que tout sépare. Arrietty, authentique héroïne à la Miyazaki, y révèle sa personnalité en dépassant ses peurs et en bravant les interdits pour élargir son monde et au passage celui de Sho, garçon jusque là résigné à sa maladie

Côté adulte, on retrouve une fibre écolo-nostalgique avec un fort sentiment de regret de temps plus bucoliques et plus doux. Les Chapardeurs, petits lutins qu’on nous suggère menacés et en voie de disparition, représentent clairement  la civilisation rurale du Japon, avec ses valeurs traditionnelles et familiales, battue en brèche par le monde moderne et sa froide cruauté (incarnée ici par la servante Haru). L’impuissance résignée de Sho renvoie à ceux d’entre nous (dont Miyazaki lui-même ?) trop conscients des changements et de leur inéluctabilité pour s’y opposer. Moins de révolte, plus de nostalgie, Arrietty se distingue en cela des films classiques de Hayao Miyazaki.

Arrietty est aussi d’une grande beauté plastique: les décors, maison, cave, jardin, maison d’Arietty sont imaginés et dessinés avec un luxe de  détails qui force l’admiration. L’animation n’est pas en reste, les personnages se déplacent de façon fluide et réaliste, et les animations secondaires (herbe, feuille) très travaillées contribuent à l’atmosphère du film. Le studio Ghibli est convaincu des mérites de la 2D, mais par moments la subtilité et la richesse des mouvements fait penser à une réalisation en 3D : la scène de l’affiche du film, scène où Arrietty grimpe sur le toit de la maison au milieu des feuilles de lierre qui s’agitent doucement, en est l’exemple le plus frappant.

Un film à chaudement recommander à tous les fans d’animation. En bonus, notons que les chansons d’Arrietty  ont été composées et interprétées par la française Cécile Corbel, célèbre pour ses albums de musique celtique. Décidément, le talent de Miyazaki ne connait pas les frontières.

Paul Schmitt, janvier 2011


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