Les Minions
Les géniaux petits personnages de Moi, Moche et Méchant obtiennent la consécration avec leur propre film.
Quelle histoire étonnante que celle des Minions, simples acolytes du héros dans Moi, Moche et Méchant devenus superstars par la seule force de leur puissance comique. Le cas est rarissime, surtout à un tel niveau de succès. Les Pingouins de Madagascar ont eu droit à leur film personnel, tout comme le Chat Potté de Shrek, mais la réussite relative de ces « spin-off » est sans commune mesure avec la popularité inouïe des Minions. Depuis le triomphe planétaire de Moi, Moche et Méchant 2 (presque un milliard de dollars au box-office !), ces petits personnages sont entrés dans le panthéon des héros d’animation préférés des enfants. Des courts-métrages hilarants ont contribué à entretenir leur légende en attendant la sortie du film qui leur est aujourd’hui consacré.
Il est vrai qu’on peut difficilement résister à la combinaison gagnante qui les caractérise : un look mignon tout plein, un comportement imprévisible de petit enfant, une innocence rafraîchissante et un langage façon charabia que l’on comprend pourtant parfaitement ! Dire qu’au départ, ils étaient complètement différents. Pour le premier Moi, Moche et Méchant, le scénario prévoyait des personnages ressemblant à des trolls et plutôt effrayants. Comme cela rendait le personnage de Gru antipathique, les réalisateurs ont eu l’idée de changer radicalement leur apparence en simplifiant leur forme au maximum : une pilule jaune sur laquelle deux bras et deux jambes minuscules venaient se greffer !
Favoris des animateurs
Au sein du studio Illumination Mac Guff, la popularité des Minions a été immédiate. Les réalisateurs et la production ont compris qu’ils tenaient quelque chose de spécial lorsque les animateurs ont commencé à se porter volontaires pour animer les Minions, plutôt que Gru ou les autres personnages humanoïdes. Un signe qui ne trompe pas, selon le producteur Chris Meledandri : “La réussite d’un personnage se voit dans l’enthousiasme de l’équipe à lui donner vie, et cet enthousiasme se transmet ensuite au public.”
Les Minions ont donc les honneurs d’un film en solo, malgré tous les défis qu’un tel projet présentait. En effet, la question se posait de savoir comment réaliser un film sur des personnages dont on ne comprenait pas un mot de dialogue… La première idée a été de les associer à un personnage humain qui serait le vecteur de l’histoire, comme dans les Moi, Moche et Méchant, mais cela impliquait de les maintenir dans leur statut d’acolytes. Or, le studio le savait : le public voulait un film sur les Minions, pas avec les Minions.
La réponse a consisté à revenir aux bases du cinéma muet, et en particulier, à Charlie Chaplin. Puisque les Minions ne pouvaient pas s’exprimer de façon intelligible, il fallait que ce soit l’animation et la mise en scène qui guident l’action. Les héros muets sont extrêmement rares dans le cinéma d’animation. On pense surtout auWall-E de Pixar ou au Scrat des Âge de Glace : ils ne disent pas un mot, mais on comprend pourtant toutes leurs émotions. Une autre source d’inspiration a été Mr Bean, le fameux personnage inventé par le comique anglais Rowan Atkinson. Tout comme les Minions, il s’exprime de manière incompréhensible et tout le récit passe par l’image, jamais par le dialogue. C’est dans cet esprit-là que l’équipe d’Illumination Mac Guff a travaillé.
En quête d’empathie
Le coréalisateur Kyle Balda explique : “L’objectif numéro 1 de tous les animateurs était de créer une empathie pour les Minions. Chaque pose a donc été étudiée très précisément pour analyser l’émotion qu’elle véhiculait. Il fallait que la moindre attitude traduise la pensée du Minion. C’était quelque chose que Charlie Chaplin a réussi à merveille dans ses films. Il a été une grande inspiration pour nous.” Impossible, en effet, de ne pas penser à la scène du discours dans Le Dictateur (1940) lorsqu’un des Minions du film s’adresse à la foule. Dans les deux cas, le personnage parle dans une langue imaginaire, mais le sens de son message passe parfaitement par le biais de ses expressions et de son langage corporel.
De son côté, le coréalisateur Pierre Coffin estime que le physique des Minions en fait des sujets idéaux pour l’animation. “Ce qu’il y a de génial avec ces personnages, c’est qu’ils représentent l’essence même de l’animation. En animation, on peut prendre une sphère et lui donner la vie, faire comprendre qu’elle est triste ou bien en colère. En toute logique, les Minions ne devraient pas être des personnages d’un film, et pourtant ils fonctionnent ! C’est toute la magie de l’animation...“
Swinging Sixties
Autre astuce, compenser l’absence de dialogue des Minions par un gros travail sur la direction artistique. Une grande partie de l’action se déroule en effet à Londres en 1968. Un choix des réalisateurs qui adorent l’ambiance qui régnait dans la capitale britannique à cette époque. “Je ne sais pas si ça se voit à l’écran, mais nous avons voulu que le film soit différent visuellement de tout ce que nous avions fait auparavant,” précise Pierre Coffin. “Quand je vois les films des autres studios, c’est un peu toujours le même look, les mêmes designs. Le choix des années 60 nous a permis de nous décaler en faisant un film « historique », ce qui s’est avéré très amusant à faire.” Et Kyle Balda d’ajouter, “Les années 60 avaient un style graphique tellement prononcé, avec l’art psychédélique, les couleurs, les vêtements, etc. Sur le plan visuel, c’était passionnant à reconstituer.”
Les réalisateurs ont choisi de recréer l’époque dans ses moindres détails, depuis les chansons « vintage » (qui vont certainement déclencher des bouffées de nostalgie chez les adultes) jusqu’aux hippies, en passant par le traitement couleurs qui reproduit la colorimétrie particulière des films de l’époque. Le long-métrage comporte également plusieurs clins d’œil aux James Bond qui dominaient le box-office à l’époque.
Mise à jour technique
Parallèlement, l’équipe d’Illumination Mac Guff s’est mise à l’œuvre sur les solutions techniques nécessaires à la bonne marche du projet. Première constatation, les besoins en mémoire n’arrêtent jamais d’augmenter. Lorsque Mac Guff a réalisé Chasseurs de Dragons en 2007, la masse de données à traiter était de 12 téraoctets. Six ans plus tard, elle était de 680 To pour Moi, Moche et Méchant 2 ! Une croissance hallucinante qui s’est confirmée avec Les Minions.
Les données de chaque plan étaient tellement lourdes que les animateurs devaient attendre entre chaque rendu pour visionner leur travail. L’équipe technique, sous la direction de Bruno Mahé, a donc choisi l’option du cloud computing. Le studio a investi dans des serveurs cloud Avere FXT Edge. Ce sont désormais eux qui gèrent le calcul des images, libérant la mémoire des stations de travail. Cela a permis de gérer de façon bien plus fluide la fin de la production, lorsque tout doit être terminé en même temps, période de saturation systématique des machines. Plus de 20.000 processeurs ont assuré le rendu des images du film.
De nombreux plans ont été coupés du montage final, en particulier dans le long récit des Minions à travers les âges qui ouvre le film. Plus de vingt minutes d’animation ont été finalisées à cet effet, mais seules dix minutes figurent dans le film. Question de rythme. De quoi assurer des ventes record au DVD édition super spéciale XXL collector minionesque qu’Universal est certainement en train de préparer…
Alain BIELIK, Juillet 2015
(Commentaires visuels : Paul Schmitt)
Alain Bielik est le fondateur et le rédacteur en chef du bimestriel de cinéma S.F.X, publié depuis 1991. Il collabore aussi à de nombreuses autres publications, y compris à l’étranger et sur Internet.
Les galeries à voir sur les mêmes sujets :
Autre film par Illumination et Mac Guff:
>> Moi, moche et méchant 2
>> Le Lorax
Autres films du studio MacGuff Ligne:
Autres films produits par Chris Meledandri (avec Chris Renaud au storyboard) :
>> Horton
>> Robots