Michel Bouvet

Début 2004, la galerie Anatome, à Paris, a présenté une exposition consacrée au graphiste français Michel Bouvet.
C'était l'occasion de lui demander de commenter quelque 75 affiches, soit un bon aperçu de la diversité de sa production et de l'étendue de son talent. Cliquez sur les vignettes pour découvrir les images et leurs commentaires, sans oublier la "profession de foi" que nous livre Michel Bouvet ci-dessous.

 

Michel Bouvet nous livre son abécédaire essentiel :

Art

"Tout est basé sur mon histoire personnelle et mon goût de l'art. Je fais souvent des références à des mouvements artistiques : surréalisme, pop-art, art conceptuel et art contemporain. Je me nourris beaucoup de ce que je vois. Peut-être que si mon travail trouve un écho auprès des gens qui ne s'intéressent pas forcément au graphisme, c'est grâce à ce lien avec l'histoire de l'art."

Atelier

"J'ai créé un atelier qui comprend aujourd'hui quatre graphistes pour être en mesure de traiter une commande de communication globale, pour un lieu, un festival, un événement. Par exemple, pour la scène nationale des Gémeaux à Sceaux, en 92, à l'occasion de la construction d'un nouveau théâtre, nous nous sommes occupés de la signalétique, de la communication et même du 1% architectural en mettant un place une sculpture monumentale lumineuse en néon sur la façade. Il nous arrive aussi d'intervenir sur des colloques. Pour un cycle de rencontres philosophiques, nous avons mis en place des banderoles géantes avec des citations philosophiques."

Commande

"Si je réalisais des images complètement incompréhensibles par le public je pense que je n'aurais plus de commandes. En tant que graphiste, nous n'existons que par la commande. Je considère la question posée comme primordiale même si je l'exprime ensuite de manière plastique et peut-être personnelle. Cela dit, parfois on se heurte à la frilosité des commanditaires. Rien n'est jamais acquis."

Couleurs

"Je fonctionne avec les couleurs d'une manière qui est probablement différente de la plupart des gens. Je confonds un peu les couleurs et cela m'a valu beaucoup de mésaventures. À l'armée, on m'a dit que j'étais carrément daltonien. Ce qui est étonnant, c'est que lorsque je fais des corrections chromatiques sur les épreuves, apparemment cela ne choque personne."

Méthode

Michel Bouvet pratique une méthode personnelle quant à la présentation d'un projet à ses commanditaires. Il présente une quinzaine de propositions sous forme de dessins et c'est avec le client qu'il choisira l'une des idées graphiques qui sera finalisée dans l'affiche. Il raconte la genèse de cette méthode : "Au début, je montrais des choses très finalisées et j'étais souvent confronté à des réflexions du type c'est pas beau ou j'aime pas le jaune. C'est très difficile d'argumenter. Alors, je devais faire des compromis et c'est très dangeureux parce que cela donne des mauvaises images. Pour une pièce de théâtre, il y beaucoup d'interprétations possibles et je me suis dis que c'était plus intéressant de faire des recherches. En général, je m'isole le week-end et j'épluche le texte. Je le lie deux ou trois fois, je repère ainsi les points intéressants et je réalise plusieurs dessins. Mes clients se sont sentis rassurés par cette pratique. C'est une sorte de liturgie, un moment très particulier où les 15 propositions sont étalées devant eux. D'abord, ce qui rassure c'est la somme de travail et puis il y a une possibilité de choix. Pour les metteurs en scène qui sont eux-mêmes en train de travailler leur mise en scène, c'est très intéressant de discuter de l'interprétation du message de la pièce. Dans ces propositions graphiques, il y bien sûr des pistes intéressantes et d'autres beaucoup moins, mais en général me interlocuteurs vont spontanément vers les images les plus fortes. Je pense que cette manière de travailler met en place une complicité intellectuelle entre le graphiste et le client."

Pictural

"Lorsque je regarde mon travail, je me dis de plus en plus : c'est très pictural. C'est un qualité et en même temps un défaut. Je pense par moment être beaucoup plus dans le domaine de l'art que dans celui du graphisme."

Pop-art

"Je suis un grand admirateur du pop-art. C'est un moment fondamental de l'histoire de l'art pendant lequel les artistes se sont réappropriés des moyens d'expression populaire. En tant qu'affichiste, c'est aussi mon rôle et je trouve qu'une case de BD agrandie à la Lichtenstein constitue un moyen extraordinaire de s'adresser aux gens."

Reconnaissance

"Ce qui est grave aujourd'hui c'est que la profession de graphiste n'est ni respectée, ni structurée. Il n'y a plus de représentation professionnelle et nous ne sommes plus des interlocuteurs pour personne. La situation est critique si on compare, par exemple, avec les Pays-Bas, où il existe 4 syndicats avec 4 à 5 000 graphistes fédérés, sans parler des 25 000 graphistes américains membres de l'AIGA. En France, il n'y pas de cadre juridique pour le graphisme, n'importe qui peut demander n'importe quel prix."

Responsabilité

"J'ai toujours à l'esprit le fait que j'ai une responsabilité en tant qu'affichiste. Je dois faire venir les gens à la manifestation. Je ne fais pas des affiches pour me faire plaisir, même si cet aspect existe aussi, mais avant tout il faut remplir une salle."

Rue

Une affiche dans la rue, c'est un quart de seconde : ça marche ou ça marche pas. Ça ne pardonne pas."

Styles

"Parfois je m'interroge et je me demande si je ne suis pas prisonnier de mon système, si je ne suis pas trop figuratif. Je pense que j'ai cette chance malgré tout et, c'est le seul compliment que je pourrais me faire, de me remettre en question régulièrement sur le plan formel. J'ai la sensation d'avoir des écritures différentes et j'utilise les différentes techniques de manière ludique. Mais d'un autre côté, ma manière de cadrer est très influencée par la peinture, voire la photographie et par moment cela peut devenir un peu classique."
 

Thierry Le Boité - Janvier 2004
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