Superscript, NORM, Agnès Dahan, Formes vives, etc.

Expérimentations et partages graphiques au Havre avec en têtes d’affiches les studios Superscript et NORM.

Le Havre a « Une Saison Graphique » pour soi seul cette année, pendant que Chaumont met son festival d’affiches entre parenthèses et se concentre sur l’ouverture de son centre graphique cet automne. Et droit dans ses bottes, cette huitième édition reconduit jusqu’au 2 juillet 2016 le schéma des années précédentes : huit expositions de graphistes confirmés, et plusieurs événements plus ponctuels sensibilisant le public à la création graphique.

Le totem de Superscript
Le duo lyonnais Pierre Delmas Bouly et Patrick Lallemand récapitule 10 ans de carrière à la Bibliothèque Universitaire du Havre avec en exergue un spectaculaire « totem » occupant l’atrium central : une bande de papier de 12 m de haut va d’une imprimante au sol jusqu’au plafond. S’y inscrivent signes et lettres générés à partir de leur bibliothèque de formes de travail par un programme spécialement conçu. Autour, affiches et vitrines montrent leurs travaux d’identité visuelle, mêlant design et graphisme, au service de clients aussi divers que les couteaux Opinel, les meubles métalliques Tolix ou le festival Nuits Sonores.

NORM pixelise le Portique

Manuel Krebs et Dimitri Bruni, deux graphistes associés depuis 1999 et installés à Zurich, aiment la recherche formelle. Ils se revendiquent de la tradition suisse du graphisme caractérisée selon eux par simplicité, rigueur et systématique. Ici, ils exposent des projets personnels. D'abord trois chapitres de leur prochain livre: un travail de recherche pour représenter toutes les images possibles, dont ils évaluent sur les murs de l’espace de design graphique Le Portique la taille de la bibliothèque nécessaire pour contenir tous ces livres. Une progression que les matheux reconnaîtront comme géométrique. A partir de quelques dizaines de pixels par image, la bibliothèque meuble l’espace entre la Terre et la Lune avant de grossir avec la taille des images jusqu’à dépasser l’univers tout entier. Une mise en abyme clairement vertigineuse et qui démontre la dimension quasi-infinie du web, réceptacle de toutes ces images. L’autre moitié des murs du Portique rend compte d’un travail de recherche sur les alphabets fait sur le logiciel Fontlab en variant la forme et la combinatoire des pixels de base. Un travail sobre, épuré comme ceux qui leur ont valu plusieurs prix de design depuis 15 ans.

OSP fait de la résistance à l'ESADHaR

L’association bruxelloise de design graphique libre OSP (Open Source Publishing) est née en 2006 après le rachat de Macromedia (créateur de Flash) par Adobe, pour offrir une alternative au monopole de fait ainsi créé dans les logiciels de création graphique. Pour eux, les outils libres sont une formidable occasion de repenser nos processus de travail et de création, de recentrer les pratiques sur l’imaginaire des (futurs) designers, tout en gagnant en indépendance technique et économique. Bien que très actifs dans la conception de sites web, OSP montre à l’ESADHaR (Ecole Supérieure d’Art et de Design Le Havre-Rouen) surtout ses solutions de publication écrite : HTML2Print, des outils à base de HTML et CSS pour mettre en page du print ; Autotrace, un logiciel de vectorisation des pixels ; Graphizm, un programme développé chez l’opérateur téléphonique AT&T pour concevoir et dessiner des réseaux avec des lignes de commande.

Formes vives et Bonnefrite
L’atelier Formes Vives est un collectif réunissant trois designers graphiques et dessinateurs : Adrien Zammit, Nicolas Filloque et Geoffroy Pithon, installés entre Marseille, Brest et Nantes, et se focalisant sur des sujets sociaux et culturels. Rejoints par le graphiste, illustrateur et agitateur Bonnefrite, ils ont proposé aux résidents de la maison de l’Etudiant de compléter à l’encre et au pinceau un fond d’affiche collé aux murs en 20 exemplaires sur le thème « Un bon début ». Un délire graphique qui oscille entre graffiti répétitifs et innovations.

Agnès Dahan et Constance Guisset tissent le lin à l’Hôtel de Ville

Agnès Dahan, graphiste spécialisée dans le design de livres, et Constance Guisset, designer, transforment des idées, des concepts, des matières en images ou objets. Elles essaient aussi souvent que possible de travailler ensemble, notamment sur des projets d’expositions. Leurs prismes : la couleur, la texture, l’usage et la saveur. Les deux artistes présentent ici l’état d’un « work in progress » de quelques mois d’expérimentations sur le lin, matière dont la Normandie est un des principaux producteurs en France. Il leur a fallu en faire l’apprentissage, puis se poser la question : qu’en faire ? La réponse : marqueterie, luminaires et autres tapisseries, uniquement révélées par rétro-éclairage.

Et pour résumer ces expositions ainsi que celles d’Olivier Douzou, DA et directeur éditorial de livres pour la jeunesse, et du jeune atelier Signes du quotidien (Jérémy Joncheray à Strasbourg et Benjamin Dupuis à Liège) sur les liens entre graphisme et gastronomie, dix affiches de designers invités ornent le parvis de l’Hôtel de Ville, comme autant de drapeaux de cette kermesse du graphisme .

Paul Schmitt, mai 2016