Une Saison Graphique 14

Les expositions de Richard Niessen et Felix Pfäffli, temps forts de cette sixième édition.

Une Saison Graphique au Havre est un modèle d’organisation décentralisée : chaque institution locale prend en charge sa propre programmation avec son budget, l’association Graphisme au Havre, dont Mariina Bakic est la porte-parole, assurant la coordination et la communication globale du festival. Au total, six expositions complétées par des rencontres et événements mettent le graphisme au cœur de la cité d’ Auguste Perret pendant un bon mois, jusqu’au 27 juin 2014.

Sélection d’affiches françaises
Première visite à l’arrivée, dans les locaux mêmes de la gare du Havre : une sélection de 17 affiches françaises issues du concours du festival de Chaumont 2013. Helmo, les Graphiquants, et bien d’autres composent en quelque sorte un best-of de la communication institutionnelle française de ces deux dernières années.

Felix Pfäffli aka Feixen
Autre collaboration avec le festival de Chaumont : la double exposition du graphiste suisse Felix Pfäffli. La rétrospective d’affiches est à Une Saison Graphique, jusqu’au 14 juin 2014 ; les esquisses et croquis en noir et blanc sont au festival de Chaumont 2014. Cette mise en perspective à distance est néanmoins facilitée par un journal/catalogue distribué sur place et reprenant un certain nombre d’affiches exposées avec leurs esquisses et variantes.

S’y révèle ainsi l’approche plasticienne et subjective de Felix Pfäffli, jeune virtuose qui délaisse le fonctionnalisme suisse traditionnel pour mieux « concilier forme, contenu et émotion ». La variété de son travail pour la communication de Südpol, théâtre de sa ville de Lucerne (Suisse) est à cet égard exemplaire.

Richard Niessen : Un compendium hermétique de maçonnerie typographique
Pour le néerlandais Richard Niessen, les affiches de son studio Niessen&deVries sont aussi des briques visuelles avec lesquelles il envisage des créations graphiques en 3 dimensions. L’installation TM-City au festival de Chaumont 2007 avait fait date : huit quartiers  faits de 150 de leurs objets graphiques recomposaient une communauté symbolique où les messages individuels se fondaient en une nouvelle symphonie collective.

A l’initiative de Pierre-Yves Cachard, directeur de la Bibliothèque Universitaire du Havre, Richard Niessen a repensé son concept pour lui donner une nouvelle/autre vie : « Un compendium hermétique de maçonnerie typographique » se présente sous forme de mikado géant où 136 poteaux colorés relient/transpercent 26 affiches issues de commandes au studio Niessen&deVries depuis 2007, symbolisant les lettres de l’alphabet. Au verso de chaque affiche, des traits nommés d’après les rues de TM-City font référence à cette installation précédente tout en dessinant une lettre de l’alphabet. Et ces affiches sont regroupées en 3 constellations reliées entre elles : Sign, Symbol et Ornament dont le commentaire figure sur le packaging dans lequel voyagent ces oeuvres, packaging ouvert et étalé autour de l’installation. Un réseau, une aire de jeu où on peut pénétrer et multiplier les angles de vue à loisir.

Concrètement, Richard Niessen a conçu la scénographie de l’installation sur ordinateur avec un minimum de règles : les poteaux ronds percent les posters, les carrés supportent l’installation, les planchettes plates relient et consolident le montage. Et il aura fallu trois semaines de travail pour fabriquer ce dispositif technique qui a vocation à voyager et être exposé ailleurs.

Diane Boivin : Chaperon Rouge, Chaperon Rogue
Diplômée de la HEAR (anciennement Arts Décos de Strasbourg) en 2012, Diane Boivin s’est aussi formée auprès de Pierre Di Sciullo, typographe atypique qui relie typographie avec des notions comme l’humour, le jeu pour poser des « situations de lecture » comme elle l’explique. Et en dehors de ses collaborations avec des studios comme Des Signes, sa pratique personnelle du graphisme s’efforce de faire entrer le temps dans le déchiffrage de l’information, en créant des situations de lecture contrariées.

Diane Boivin met ici à contribution le poète Frank Adebiaye pour écrire un conte en prose inspiré du Chaperon Rouge qu’elle adapte graphiquement en 8 tableaux/4 diptyques selon des règles précises. Elle imbrique deux textes l’un dans l’autre, en respectant le nombre de lettres par mots ; le premier texte est sérigraphié en un passage d’une couleur, le second en un passage d’une autre couleur sur la même affiche renversée. Elle utilise pour cela la police Apode, par elle adaptée de la Basnoda de Pierre DiSciullo, et dont elle adoucit le caractère anguleux par un aspect cursif.

Fanette Mellier : Pangramme
Elle-aussi graphiste et typographe reconnue, Fanette Mellier joue avec le dessin des signes et la modularité des objets éditoriaux (voir par exemple sa récente mise en page d’Astronomicon : ICI). Pour Une Saison Graphique 14, elle a dessiné un alphabet complet, vingt-six lettrages originaux et hétéroclites, matérialisés par vingt-six objets éditoriaux de différents formats, chacun doté d’une technique d’impression et tiré à mille exemplaires. Le visiteur est invité à composer avec ces lettres des mots et autres objets graphiques, des « pangrammes », à mettre ainsi en mouvement et en espace ces lettres.

L’affiche elle-même de l’exposition présente l’alphabet de Fanette Mellier telle une casse de typographe, avec des casiers de taille variable suivant la lettre contenue. Un hommage au métier de typographe que Fanette Mellier nous propose d’expérimenter ici.

Kermesse graphique, façade du Phare, etc.
La Journée Graphique du 10 mai était l’occasion de proposer aussi aux Havrais de s’essayer au graphisme avec une kermesse graphique pour petits et grands : Studiobüro (collectif parisien comme son nom ne l’indique pas), JJ Tachdjian entre autres y proposaient ateliers de graphisme et d’illustration.

Et pour planifier votre éventuel déplacement : le samedi 14 juin, le centre chorégraphique Le Phare inaugurera sa nouvelle façade conçue par Annette Lenz pour lui conférer une visibilité accrue dans l’espace urbain ainsi qu’une identité graphique affirmée. Un événement qui correspond aussi à l’esprit d’Une Saison Graphique 14 : décloisonner le graphisme, le faire agir et interagir aussi bien avec les disciplines voisines (architecture et urbanisme notamment) qu’avec son public.

Paul Schmitt, mai 2014