Japon: les Grands Maîtres de l'affiche

Mois du Graphisme 2016 "Made in Japan": toute les expos:

> Masters in Japan

> I love Japan

> Magazines in Tokyo

> Made in Japan... by students

Inauguration du Centre du Graphisme, et Un Mois du Graphisme dédié au Japon : Echirolles frappe un grand coup !

 La petite ville d’Echirolles en banlieue de Grenoble s’est fait connaître de la planète graphique en organisant depuis 20 ans le Mois du Graphisme, un festival biannuel d’expositions et de rencontres devenu un rendez-vous incontournable en France, au même titre que le festival d’affiches de Chaumont et Une Saison Graphique au Havre. Cette année s’y rajoute l’ouverture du Centre du Graphisme, lieu dédié qui occupe la moitié de l’ancienne mairie : un projet mené depuis 2004 avec peu de moyens mais beaucoup de persévérance par son directeur Diego Zaccaria.

Ce Centre du Graphisme abrite, avec d’autres lieux à travers Echirolles et Grenoble, un Mois du Graphisme 2016 exceptionnel, entièrement dédié au Japon et à son graphisme. Michel Bouvet et Blanche Alméras, s’étant hélas retirés de la Fête du Graphisme pour cause de désaccords, ont mis leur réseau international à la disposition du Mois du Graphisme pour organiser pas moins de six expositions sur ce thème ! Parlons ici des deux premières (par ordre chronologique) consacrées aux grands maîtres fondateurs de l’affiche japonaise contemporaine, dont le génial Kazumasa Nagai et sa série Life.

Masters in Japan
Le Japon est une grande nation graphique, à l’égal de la Suisse ou des Pays-Bas, explique en connaisseur Michel Bouvet. L’art de la calligraphie, le rapport particulier à l’objet dans la culture japonaise y ont certainement contribué dans un pays où le mot « artiste » n’existe pas, où tous les créateurs sont des « artisans ». Les agences de publicité font appel aux graphistes pour leurs campagnes (oui, vous avez bien lu), packagings et objets de la vie courante font souvent l’objet d’un design soigné. Tout cela coexiste avec un urbanisme débridé, une culture populaire parfois kitsch (le style kawai par exemple) : le Japon est un pays en tension permanente.

Dès les années 50, le Japon en pleine reconstruction voit le design comme un élément de dynamisme de l’économie. Le Nippon Design center, dont l’affichiste Kazumasa Nagai est un membre fondateur, travaille dans cet objectif avec les grandes entreprises du Japon. Une grande exposition d’affiches à Tokyo en 1965 y sensibilise le grand public. Et les graphistes eux-mêmes se structurent avec la création de la JAGDA (Japan Graphic Designers Association) forte de 3 000 membres !

"Masters in Japan", au musée Géo-Charles jusqu’au 29 janvier 2017, présente les grands maîtres fondateurs de l’affiche contemporaine japonaise. Les deux premières salles sont consacrées à Kazumasa Nagai et Shigeo Fukuda. Avec entre les deux un couloir couvert d’affiches japonaises de Savignac, dont on découvre qu’il est un affichiste révéré au Japon ! Shigeo Fukuda est un graphiste facétieux, aime les effets d’optique, les rapports entre formes et contreformes. Son mode d’expression est ainsi universel et en fait un des graphistes les plus facilement compréhensibles en-dehors du Japon. Kazumasa Nagai, toujours vivant et actif (il a réalisé l’affiche de ce Mois du Graphisme) a développé au cours du temps une écriture très particulière, plus symbolique voire mystique.

Les autres salles permettent de découvrir d’autres maîtres dont Ikko Tanaka et Yusaku Kamekura, parmi les premiers à se faire connaître à l’étranger. Mitsuo Katsui qu’on avait déjà vu à Echirolles en 2010. Koichi Sato, disparu il y a deux mois, tout en signes. Et U.G. Sato, présent lors de l’inauguration, qui cultive l’humour dans ses créations : voir ici son traité osé de Picasso pour une exposition en Espagne. U.G. Sato est célèbre en France pour son affiche alliant vahiné de Gauguin et tête de mort : une affiche dessinée et commandée parmi 100 autres par la JAGDA en 1995 pour protester contre la reprise des essais nucléaires français dans le Pacifique. Et une affiche qu’on a beaucoup vue à l’époque dans les manifestations en France.

Life de Kazumasa Nagai
Série d’affiches pour la plupart autoproduites, Life a droit à une exposition à part au musée Dauphinois à Grenoble, là-aussi jusqu’au 29 janvier 2017. Kazumasa Nagai y développe une esthétique du retour à la nature, cette nature sauvage qui fascine et intimide à la fois les Japonais. Le Maître prétend ne pas savoir dessiner (!), on notera néanmoins que ces affiches sont réalisées à la plume, avec des pointes fines. «  Je souhaite que mes affiches rendent les gens heureux » résume Kazumasa Nagai à propos de sa pratique.

Deux autres expositions à travers la ville présentent le graphisme actuel japonais : affiches, mais aussi magazines et livres. Un monde riche, foisonnant , dont nous vous en faisons un compte rendu détaillé pour la semaine prochaine.
Et la bonne nouvelle, vous l’aurez remarqué, c’est que ce Mois du Graphisme… dure en fait deux mois, jusqu’au 29 janvier 2017 à Echirolles et Grenoble. Quand on aime, on ne compte pas !

Paul Schmitt, novembre 2016