Pop Music

1967-2017. Graphisme & Musique

Une « impossible encyclopédie » de la relation étroite entre graphisme et Pop music.

Pop musique et graphisme : un thème pas évident à traiter tant le domaine est vaste et les contours difficiles à cerner. Et donc un sujet comme les aime Michel Bouvet, commissaire associé de l’exposition « Pop Music 1967-2017 » au Centre du graphisme d’Echirolles jusqu’au 30 mars 2018 et à la Cité des Arts à Paris du 14 juin au 13 juillet 2018 : « On peut intéresser les gens au graphisme à travers un objet familier. Le graphisme est ici la représentation visuelle de ce qu’on écoute, il existe donc dans notre quotidien. »

L’idée en est venue à Michel Bouvet et Blanche Alméras (co-commissaire) lors de leur dernière Fête du graphisme. « Nous sommes partis sur des considérations graphiques, mais nous avons vite dû revenir à un schéma chronologique et par pays, explique Michel Bouvet. Les différents courants musicaux engendrent des styles visuels particuliers, les pochettes s’influencent les unes les autres… »  Y compris en s’opposant : après la couverture psychédélique de Sergent Pepper’s (1967), le designer Richard Hamilton conçoit une couverture blanche dépouillée pour leur double album (1968).

La 1ère salle est consacrée à la période 1967-1980, la 2nde aux années 1980-2000, la 3ème aux années 2000-2017. Ce découpage tient compte du support matériel commun à la musique et à son contenant graphique : vinyle jusqu’en 1980, prédominance du CD des années 80 aux années 2000, dématérialisation depuis. Des changements pas anodins pour les designers associés aux groupes : le CD faisant ¼ de la surface du vinyle, ils vont conjuguer très souvent recto et verso de la pochette en un format long et non plus carré, et surtout s’investir dans le livret contenu dans le CD. La dématérialisation de la musique redonne par contre de l’importance à l’affiche de concert comme support de communication graphique.

Le contenant graphique est parfois aussi important que le contenu : nombre de groupes se sont construits à travers une image, une identité visuelle, tels Chicago répétant son logo de pochette en pochette, bien en évidence au milieu. Les deux « grandes puissances » de la pop music, la Grande-Bretagne et les USA, développent des graphismes bien distincts. Les Américains regardent beaucoup l’Europe, s’inspirent de la Sécession viennoise, de la photographie, etc. Les Britanniques cultivent leur singularité, font référence à leur culture, aussi bien l’époque victorienne que le folklore du Moyen-Age, développent des ambiances sombres et mélancoliques. « Nous avons essayé de mélanger deux points de vue : musicologique et graphique, explique Michel Bouvet. Il n’y a pas de « mauvaises pochettes » si elles expriment une intention. Par exemple, l’album Cosmo’s Factory du groupe de rock Creedence Clearwater Revival présente une photo très moyenne artistiquement, mais intéressante par l’état d’esprit qu’elle révèle : une rupture avec la sophistication de la Côte Ouest dont ils sont pourtant issus. »

Au total, « Pop Music » est une somme de travail gigantesque : près de 1 300 pochettes alignées sur les murs, 600 biographies de groupes, avec dans chaque salle une playlist de 27 titres pour se mettre dans l’ambiance. Pour ceux qui auraient envie de prolonger la visite, « Pop music » est aussi un livre-catalogue publié aux Editions du Limonaire (395 pages, 29€), avec 100 « interprétations graphiques » de pochettes par Michel Bouvet, un index des groupes par périodes, et un focus sur une vingtaine de grands studios et graphistes. De quoi passer les longues soirées d’hiver, avec bien sûr son casque sur les oreilles.

Paul Schmitt, novembre 2017 & juillet 2018